Récit du déplacement à Naples et de l'ambiance de ce match au San Paolo.
Voir Naples et mourir. Le chemin de croix de l'OM en Ligue des Champions s'est donc achevé dans le volcan du San Paolo.
Durant cette parenthèse napolitaine, on a pu se rendre compte que Naples à tout point de vue n'était pas dans la même dimension que Marseille. Malgré des similitudes évidentes entre les deux villes et les deux clubs, ici, tout est poussé à l'extrême. Naples semble plus folle, plus sale, plus grande, plus dangereuse que Marseille. Dans les rues à la fois colorées et délabrées de la ville, l'atmosphère y est parfois pesante, voire oppressante, mais dès que ça commence à parler calcio, ça transpire la passion et on s'y sent bien. Car question ballon, les Napolitains n'ont pas fini de nous étonner. En deux jours, impossible d'échapper à une conversation sur le match de mercredi. Bon, on ne va pas se mentir, tous ceux qu'on a croisés pronostiquaient une large victoire du Napoli, tre a zero, parce que pour eux, Marsiglia ne fait pas le poids, même si Mathieu Valbuena et André Ayew - de loin les deux Olympiens les plus connus - sont de "buoni giocatori". Après le match, c'est le nom du Ghanéen, auteur d'une grosse prestation, qui revenait dans toutes les bouches napolitaines. "Quand vous rentrez en France, dites à Ayew qu'il faut qu'il vienne ici à Naples, on l'attend cet hiver au mercato" nous a lancé un sympathique supporter, bien informé sur la faisabilité de l'opération.
Les Napolitains ne sont pas seulement incollables sur leur club, puisqu'on est même tombé sur un barman capable de nous ressortir "le but de la tête de Boli" en finale en 93 contre Milano. Car l'OM est connu et respecté ici pour ça. Moins pour avoir essayé de recruter l'idole Diego Maradona en 90. Quand on mesure l'amour des Napolitains pour leur Dieu argentin, on comprend combien le foot est une religion ici. Dans une des boutiques du club en centre-ville, on a vu un père avec son fils embrasser le maillot floqué Maradona en sortant, comme on le fait avec des icônes saintes. Et dans cette même boutique, on a aussi croisé des VIP et officiels de l'OM en train de vouloir acheter des maillots de Naples pour pouvoir entrer et sortir en toute sécurité au stade San Paolo le soir du match. Car à l'approche de la rencontre, le climat était particulièrement tendu.
Toutes couleurs marseillaises isolées dans la ville étaient proscrites. Sous peine d'être pris pour cible, comme ce groupe de Marseillais obligés de se réfugier dans un cinéma, ou cette voiture de presse estampillée aux couleurs de la radio martégale Maritima dont la vitre a volé en éclats au petit matin. Le bus de l'OM connaitra le même sort en arrivant au stade. C'est le gros point négatif de ce déplacement qui aurait pu être l'histoire d'une belle rencontre pleine d'échanges entre Napolitains et Marseillais. Mais les incidents du match aller au Vélodrome ont anéanti cette perspective. Malgré les similarités qu'on leur prête, les deux peuples sont différents. Il y a trop de fierté et d'excès des deux côtés pour qu'une entente soit viable. Que ce fut triste de voir les supporters marseillais parqués de A à Z par un impressionnant déploiement policier, transformant le stade San Paolo en un bunkeur hyper surveillé, et dont l'accès se fait comme dans un no man's land par plusieurs check point où il faut montrer patte blanche. Le bruit de l'hélicoptère au-dessus de l'enceinte pendant le match a renforcé cette impression d'être comme en temps de guerre.
Heureusement, cela n'a pas gâché la beauté de l'ambiance des tribunes napolitaines. Du niveau de la puissance sonore et de la gestuelle, les supporters du Napoli sont tout à fait impressionnants. Comme leur équipe sur le terrain, ils procèdent par à-coups, mais à chaque fois, c'est hyper efficace. Les nombreux chants repris par les 45 000 tifosi n’ont jamais faibli pendant le match. Et que dire du speakeur qui enflamme tout le stade avec le déjà mythique "Gonzalo... HIGUAIN" répété à neuf reprises, comme son numéro de maillot. L'intensité est telle que la structure du vétuste San Paolo semble trembler sur les buts du Napoli. La légende raconte même que des fissures sont apparues dans les appartements jouxtant le stade, niché au coeur du quartier de Fuorigrotta, le plus peuplé de Naples. Comme leur équipe sur le terrain, les supporters marseillais ont montré du répondant. Dans leur parcage, les 800 courageux ont su se faire entendre. Ah, ce "Aux armes" claqué après le but d'Ayew a donné des frissons. Alors certes, Naples n'est pas dans la même dimension que Marseille, mais Naples aura vu un Marseille lui tenir tête. Voir Naples et grandir.