Léo Lacroix va en entendre parler. C'est cruel pour le défenseur, c'est la (triste) règle du jeu pour sa corporation, Jérôme Boateng peut en témoigner. Le Suisse a fait des débuts encourageants cette saison en Ligue 1. Mais ce que l'opinion publique retiendra de lui pour l'instant, c'est une action, une seule. L'accélération de Florian Thauvin sur le troisième but de l'OM contre Saint-Etienne, où le défenseur se fait prendre de vitesse avant de voir le ballon partir se loger dans le petit filet opposé de son gardien. A la fin du match, Thauvin n'est pas allé trouver le joueur de l'ASSE pour s'excuser. "S'excuser c'est chambrer. Le meilleur moyen de respecter son adversaire, c'est de lui faire mal, c'est de l'enfoncer, c'est de tout donner. Il faut quand même saluer les joueurs stéphanois qui font une bonne saison" se justifiait Flotov, presque désolé, en zone mixte. Bien vu. A la fin du match, il a eu raison, il a passé son temps avec les supporters de l'OM. Car, quelque part, c'est pour eux qu'il fait ça. Il n'y a rien pour le pauvre Lacroix, Thauvin est là pour faire lever les quatre tribunes du Stade Vélodrome.
C'est pour ça qu'il avait été recruté, il y a presque quatre ans, déjà. Vincent Labrune voulait un élément capable de faire lever les foules, conscient que l'équipe d'alors avait beau se diriger vers un titre de vice-champion de France, les victoires étriquées 1-0 ne faisaient rêver personne. Sur le marché, on parle alors beaucoup de Romain Alessandrini, Rémy Cabella. Son entraîneur Elie Baup veut signer Dimitri Payet. Labrune, lui, a flashé depuis longtemps sur la pépite du Sporting Club de Bastia, Florian Thauvin. En décembre, il avait déjà envoyé un membre du staff sonder son entourage avec un agent qui gravitait autour du club. On lui avait alors rapidement rapporté que c'était infaisable. Autant dire que le président avait mal vécu, quelques semaines plus tard, de voir que le milieu offensif avait signé avec Rudi Garcia à Lille pour 3,5 millions d'euros. La suite est connue : bras de fer, montant record, tonton Adil le boucher, "qui se justifie s'accuse", la comparaison de Bielsa avec Sanchez... Le chemin aura été sinueux, plus compliqué que prévu, mais on y est enfin : Thauvin, qui a débarqué au Vélodrome avec la coupe de Chris Waddle tout en le citant dans ses idoles, a enfin les épaules pour assumer l'héritage.
C'est au final pour ça que le joueur a toujours eu une énorme cote à Marseille. L'été dernier, alors qu'il n'y avait pas d'équipe, une grosse partie des supporters incitaient les dirigeants à acheter Thauvin, coûte que coûte. Ce qui agaçait les autres, ceux qui ne comprenaient pas. Thauvin était pour eux clairement un joueur survendu, dont on parle beaucoup parce qu'il a une jolie compagne et qu'il sait bien converser avec les journalistes. A 5 matchs de la fin, Thauvin a cependant déjà gagné son pari avec ses 12 buts, ses 8 passes décisives et son penalty provoqué. Car à l'image de son débordement face à Lacroix, il est capable de surprendre et laisser tout le monde sur place. C'est pour ça que l'on va au stade, que l'on paie sa place. Un peu comme Waddle. Aujourd'hui, l'Anglais est dans toutes les mémoires pour ses coups de folie, comme lorsqu'il pariait avant les matchs qu'il allait mettre à terre avec ses crochets Lizarazu cinq fois dans le même match. Ce que l'on oublie, c'est qu'au début des années 90, on pouvait passer plus facilement entre les gouttes. Deux bons matchs, deux plus anonymes, cela suscitait moins de débats, surtout dans une équipe où d'autres éléments pouvaient faire la différence. C'est bien évidemment impossible en 2017 dans cet OM pour Florian Thauvin. Mais ça ne lui fait pas peur. Il travaille dur à l'entraînement pour réduire la distance entre ses coups d'éclat, comme il l'expliquait après OM-ASSE (vous pouvez retrouver l'extrait dans la vidéo). En somme, un joueur qui fait du Ben Arfa sur le terrain, mais qui se fait le plus discret possible une fois à l'extérieur du rectangle vert. On est loin de l'image de l'été dernier...