Thauvin, "personne ne s'y intéressait"

Florian Thauvin est aujourd'hui Olympien. Il est aussi le troisième plus gros transfert de l'histoire de l'OM après Lucho et Gignac, champion du monde avec les U20 et disputera cette saison la Ligue des Champions et peut-être le titre de Ligue 1 avec l'OM... Ouf ! Une accélération encore plus violente que celles qu'il a l'habitude d'infliger à ses adversaires directs.

Un jeune homme pressé, assurément. Pressé, il l'est, en fait, depuis ses premiers pas dans le foot de haut niveau, lorsqu'il fut découvert lors d'une détection de jeunes. Découvert est un bien grand mot, puisque Grenoble l'a récupéré in extrémis alors que personne ne semblait en vouloir. C'était il y a cinq ans, lorsque l'entraîneur du centre de formation du GF38, Olivier Saragaglia, a décide d'aller jeter un oeil au Pôle Espoir de Châteauroux. Un long trajet qu'il n'a pas regretté : "Il y avait beaucoup de recruteurs ce jour-là, et Régis Dubois (ancien coéquipier) qui m'interpelle et me dit 'regarde ce joueur, il n'a signé nulle part pour l'instant et je ne comprends pas pourquoi personne ne s'intéresse à lui'. J'ai regardé, et il m'a tout de suite plu, car il avait déjà les caractéristiques qu'il a aujourd'hui : jeu vers l'avant, percussion, courageux dans les duels, dribble... Un joueur comme on en voit pas souvent à cet âge-là. C'est vrai que physiquement, il n'était pas très grand, pas très épais, un peu courbé, pas une très belle allure quoi... J'en ai profité pour le faire signer."

Et il ne le regrette pas, car le bonhomme sait ce qu'il veut et enflamme rapidement les synthétiques du district Rhône-Alpes. Pourtant, une grave blessure au dos (fracture de fatigue) aurait pu mettre fin à ses rêves de carrière, mais le frêle Florian est déjà une tête de mule et ne désarme pas : "Les médecins étaient sceptiques quant au fait qu'il puisse rejouer au foot, mais il est resté en salle avec le préparateur physique pour se renforcer, et il est revenu" souligne son ex-entraîneur.

Car pour lui, hors de question de faire autre chose que du foot. Et encore moins faire des études, qu'il abandonnera à 17 ans pour aller s'entraîner avec la réserve des pros, malgré l'avis de ses éducateurs, mais encouragé par son papa : "On a essayé de le convaincre de continuer l'école, mais son père l'a suivi dans cette décision et il a donc pu s'entraîner avec la CFA."

À partir de là, la machine Thauvin démarre avec une fin de saison avec les pros. Mais la machine GF38, elle, s'enraye et dépose le bilan. Verdict : rétrogradation en CFA2. Mais les plans de Florian Thauvin restent inchangés, et lorsque les clubs pros viennent se partager les joueurs gratos du club en disgrâce, le SC Bastia, seul club à lui proposer de signer pro - les autres lui offrant des contrats stagiaires - n'a qu'à se baisser. Joli coup de flair du limier insulaire, car fort de son contrat de trois ans, Florian participera à la remontée en L1 avec le SCB. La suite, on la connait. Frédéric Hantz en fera son fer de lance en attaque, et grâce à ses buts et ses fulgurances, le Sporting se maintiendra les doigts dans le nez. Ses exploits lui vaudront même un Oscar de meilleur espoir de L1.

Mais avant cela, toujours aussi pressé, Florian saisit la perche tendue par le LOSC au dernier mercato d'hiver et Bastia accepte le chèque nordiste de 3,5M€. Des Ch'tis qui acceptent de laisser le prodige en Corse jusqu'à la fin de la saison, afin d'assurer le maintien. Grosse erreur, puisque les passements de jambes, virgules et autres râteaux du gamin ont éveillé l'appétit récent de Vincent Labrune qui comme Montebourg aime le "made in France" et ses pépites. Pour lui, le petit est encore plus balèze que Ribéry au même âge. La messe est dite, Thauvin sera marseillais ou ne sera pas. Le président olympien assure qu'il ne lâchera jamais l'affaire. Et il l'a fait, le bougre ! En dépit des dénégations solennelles du président Seydoux, qui empoche au passage une plus-value de plus de 10 M€. Dans le même temps, le jeune champion du monde U20 y est allé de sa petite grève, alimentant les talk-shows 24/24 et même les JT de 20 heures. Habillé pour l'hiver en plein mois d'août, Florian s'attend a s'en prendre désormais plein la figure dans tous les stades de L1 : "Je suis triste d'avoir entendu tout ça sur lui, déplore Saragaglia, ça ne reflète pas ce qu'il est réellement. C'est sûr que sécher l'entraînement, ça ne se fait pas et ça m'a déçu. Mais il a franchi un palier, il entre dans un autre monde. C'est vraiment un garçon poli, respectueux, posé... Il va rebondir et réussir à retourner les avis négatifs sur lui."

Reste maintenant à Florian à se mettre le Vélodrome dans la poche, mais pour cela, il va falloir déjà se faire une place dans l'effectif surgonflé de l'attaque marseillaise : "Il a du caractère, il ne lâche rien, mais à Marseille, la pression n'est pas la même qu'ailleurs. Ça ne va pas être simple" prévient son formateur. Ça tombe bien, car visiblement, la difficulté ne fait pas peur au nouveau numéro 14 marseillais.