Quatre buts, quatre passes décisives, après 21 journées de championnat pour Florian Thauvin. Des chiffres somme-toute corrects pour un milieu offensif de couloir, mais qui cachent une foret d'approximations et surtout de questions à l'égard de celui que Bielsa présente comme l'un des meilleurs joueurs du monde en devenir. A moins que l'Argentin ne nous explique un jour ses critères, car nous, on a du mal à déceler ce qui ferait de l'Orléanais, au travers de ses productions actuelles, un futur candidat au Ballon d'Or. Inutile de préciser que le match d'hier soir face à Guingamp n'a pas fait progresser notre réflexion, si ce n'est dans le sens inverse.
La comparaison avec Ben Arfa ne tient pas, mais...
Evidemment, rendre Thauvin responsable des errements actuels de l'équipe serait profondément injuste, tant les Olympiens ne forment plus qu'une pâle copie de cette équipe pétillante qui nous a enivré, et avec nous le reste de la Ligue 1, pendant quatre mois. La bande de Bielsa est dans le dur, et son football semble resté dans la soute à bagages de l'avion du retour de vacances. Mais n'oublions pas que lors de ces mois idylliques, l'ancien Bastiais ne brillait pas tant que ça, ne donnant le change que sporadiquement, par le biais de corners bien sentis, ou d'un sens de la finition qui fait partie de sa panoplie.
On serait tentés de faire le parallèle avec un autre surdoué du football français, lui aussi ex-candidat à la reconnaissance planétaire mais aujourd'hui sans club : Hatem Ben Arfa. Mais cette tentation ne fait que nous effleurer, tant Florian semble à des années-lumières de l'ancien Lyonnais sur le plan de la structure mentale. Au contraire, sa tête est solidement calée sur ses épaules, et son comportement ne souffre d'aucune interrogation.
Sur-vendu alors ? Pas vraiment non plus. Son éclosion a Bastia a marqué les esprits des recruteurs et il fallait bien quinze millions pour faire fléchir des Lillois au flair toujours très affûté. D'ailleurs, on peut parier sans trop de risques que l'OM retombera sur ses pattes, tant la cote de l'ailier reste élevée. C'est ce que nous expliquait récemment Damien Comolli, ancien directeur sportif de Liverpool et Tottenham, avec toutefois un bémol : "Sur son potentiel, oui, il peut intéresser les gros clubs, évidemment. Mais, sur ce qu'il a montré jusqu'à maintenant, pas encore. Son talent est énorme, mais je pense qu'il faut qu'il fasse un peu plus. Je ne vois pas les quatre ou cinq gros se jeter sur lui l'été prochain". Etre vraiment décisif, quoi, pour rejoindre ses semblables, les Götze, Reus, Griezmann... déjà sur le toit de l'Europe. A titre de comparaison en L1, un Lucas au PSG, pourtant surpayé et raillé à juste titre pour ce statut, commence à faire parler les chiffres (8 buts) et à faire de vraies différences sur son aile droite, tout comme un Ferreira-Carasco à l'ASM, décisif en Ligue des Champions. Thauvin, lui, au delà des chiffres, ne parvient pas à briser les reins de ses vis-à-vis sur son côté droit et laisse même depuis plusieurs matches le soin de le faire à Dja Djedje. Un constat qui en dit long.
Et pourtant, il a tout...
Evidemment, son âge (21 ans) et son profil particulier poussent encore à l'optimisme, comme le rappelait dans nos colonnes l'ancien recruteur de Wenger à Arsenal Roland Scheubel : "En ce qui concerne sa typologie, il correspond : rapide, capable de marquer, perçant, il a ce côté qu'adorent les anglais. Il est capable de créer du surnombre, d'éliminer parce qu'il va vite, il est équilibré sur ses jambes, et il est capable de conclure".
"Capable", c'est pour l'instant l'observation principale en bas de son bulletin de note. Loin d'être suffisant pour intégrer les grandes écoles qu'on lui promet. Pour le moment, la légèreté de l'effectif de Bielsa lui offre un fauteuil permanent dans le onze de départ, et l'absence d'Ayew, comme la nouvelle blessure d'Alessandrini, l'éloignent de toute menace de concurrence. Mais les supporters marseillais ont des yeux affutés, et la voix aussi. D'ailleurs, Thauvin a été copieusement sifflé à sa sortie du match de Guingamp. La bronca n'a jamais été aussi proche. Le porte drapeau du "Dortmund Project" a tout intérêt à nous montrer ses attributs fissa, sous peine de grosse migraine.
> Dans la vidéo, Marcelo Bielsa donnait son opinion sur Florian Thauvin après le match et sur l'attitude du public.