En avril 2014, l'OM a beau gagner contre Ajaccio, c'en est trop pour une majorité des supporters du Vélodrome qui choisissent de siffler et de demander la démission de celui qui cumule les postes d'entraîneur et de directeur sportif, José Anigo. Sur le coup, certains allument un contre-feu en demandant la démission du président, Vincent Labrune. Pour eux, Anigo n'est qu'un fusible d'un homme qui a joué à Football Manager pendant tout le mercato et qui va terminer, pour la deuxième fois en trois saisons à la tête de l'OM, hors du podium de Ligue 1. Mais dès le lendemain, Labrune étouffe ces mécontentements avec un sacré lapin dans son chapeau : Marcelo Bielsa aurait assisté au match, et il serait en négociations pour devenir le nouvel entraîneur du club. Après de longues semaines à jouer au chat et à la souris, le contrat est signé au mois de juin. Vincent Labrune assomme ses détracteurs avec une présentation où il parvient à officialiser avec quelques minutes d'intervalle le départ de José Anigo et la venue de Marcelo Bielsa. Il parle alors de "révolution culturelle et structurelle". Un an plus tard, après une saison bien mouvementée, certains ont le sentiment que rien n'a changé. L'OM n'est en tout cas toujours pas sur le podium en championnat. Si Labrune peut toujours faire remarquer que ses prédécesseurs n'avaient peut-être pas un tel PSG et un tel Monaco au moment de faire leur bilan, il lui est impossible de se défausser sur la personne au-dessous de lui, à savoir Marcelo Bielsa. Pas parce que l'entraîneur argentin a une popularité inégalable aux yeux des supporters mais parce que, plus que jamais, l'homme fort des décisions de l'OM, c'est lui.
Tout d'abord lors du mercato. S'il agit vite pour anticiper les fins de contrat d'André Ayew et André-Pierre Gignac en recrutant Romain Alessandrini et Michy Batshuayi, il s'impatiente de voir les indésirables encore au club. Alors, sous couvert d'exécuter les directives de son entraîneur, il remet le "loft" au goût du jour. Fanni, Kadir, qui ont le tort d'avoir un agent plus dans les petits papiers de la direction, Amalfitano, qui a critiqué les méthodes employées pour le faire partir en prêt la saison précédente ou encore Benoît Cheyrou, font partie du casting et reprennent quatre semaines après le groupe. Le vestiaire est choqué par la méthode, notamment en ce qui concerne Cheyrou, à qui on a proposé de lisser le contrat pour mieux tenter de le recaser ailleurs avec un salaire réduit de moitié. A la fin du mercato, seuls les départs de Valbuena et Lucas Mendes, que Bielsa voulait garder, ont rapporté de l'argent dans les caisses de manière significative. Une fois engagé avec West Ham, Morgan Amalfitano ne se prive pas de dire ce qu'il pense : "Ils disent qu'ils m'ont vendu 1 million d'euros mais c'est de la com'. Si vous voulez tout savoir, ils m'ont payé pour que je parte". Le dernier jour, Labrune pense tout de même faire un joli coup sur le marché en piquant à Lyon un défenseur prometteur brésilien du nom de Doria. La goutte d'eau qui fera déborder le vase pour Marcelo Bielsa, qui n'appréciera pas d'entendre que c'est lui qui voulait le joueur. Deux jours après la clôture du marché, alors que son président est parti "en vacances pour recharger les batteries", Bielsa se livre sur le mercato et donne même la liste des joueurs qu'il a voulu. Il y en a 12, pas un a signé à l'OM... Un couac pour Labrune qui avait réussi à rester dans l'ombre sur les autres tableaux. En conflit avec la Mairie (qu'il a soutenu aux dernières élections en se déplaçant aux réunions que Jean-Claude Gaudin tenait auprès des supporters) pour le loyer du stade, il envoie son numéro deux Philippe Perez au bras de fer. On est avec l'OM ou contre, et si les tarifs ne baissent pas, le club ira jouer à Montpellier. Un compromis est trouvé au dernier moment, indexé aux résultats du club, qui fait que l'addition, par le biais de l'abonnement ou des impôts locaux, sera présentée aux supporters marseillais, trop soulagés sur le moment pour s'en rendre compte. Désireux de promouvoir la communication du club au détriment des journalistes, il avait également réussi à faire croire que Bielsa voulait réduire au maximum l'accès à la presse. Mais l'Argentin fera là aussi tomber une barrière en assurant qu'il n'est pas derrière cette décision.
Avec la sortie de l'entraîneur argentin, Labrune voit des gens qu'il porte dans son coeur comme Bernard Tapie ou Jean-Michel Aulas avoir l'occasion de le tacler. Le premier assure qu'il n'aurait pas laissé un homme mettre en danger l'institution de la sorte, le second qu'il ne comprend pas comment un président peut être interdit de vestiaire. Mais Labrune ne pipe mot. Tout du moins en public, car en coulisses, le dialogue avec les journalistes influents est soutenu. Sauf qu'il peut aussi se retourner contre lui. A l'automne, il est en garde à vue pour une enquête sur les transferts de l'OM. Le moment choisi par L'Equipe pour un dossier spécial sur le sujet, avec la diffusion sur une page des off du président olympien, qui déclare notamment ne pas savoir si les gens avec qui il négocie ont vraiment la licence. Pour quelqu'un qui voulait nettoyer le club des mauvaises influences... Toujours sur le mercato, il réussit cependant à prendre Ocampos à Monaco en janvier, un joueur que Bielsa voulait à l'été, alors que les deux clubs se battent pour une place sur le podium. Mais les reproches reviennent vite. Alors que les supporters de l'OM s'estiment victimes d'erreurs d'arbitrage, que Jean-Michel Aulas joue de son expérience pour mettre la pression avant les matchs, notamment "l'Olympico", Vincent Labrune n'ose pas s'abaisser à de telles pratiques. Dans un communiqué commun avec le PSG, le club annonce par contre un boycott de... Canal +, coupable d'avoir diffusé l'énervement de Payet à la fin du match. Après un nouvel arbitrage contestable à Bordeaux, Labrune s'estimera floué publiquement. "Après la guerre" feront remarquer la plupart des observateurs, le groupe ayant déjà lâché, conscient que le titre n'était plus envisageable.
L'OM terminera finalement 4e. Mais Bielsa devrait rempiler pour une deuxième saison. De quoi tenir les supporters en haleine. Les oreilles présidentielles, elles, continuent de siffler avec la signature de Morel, libre, à Lyon, alors que Bielsa voulait le garder, et les départs en fin de contrat de Gignac et Ayew. Si le scénario avait été programmé dès l'année précédente, certains gardent en travers de la gorge la communication de l'hiver qui laissait à penser qu'il y avait une chance de prolonger Ayew. Désormais, il faut compenser ces départs et surtout garder Bielsa. Sans lui, il ne restera peut-être plus de fusible.