Marseille s'est fait sortir de la Coupe de France par une équipe de division inférieure, Grenoble en l'occurrence. Les détracteurs du club peuvent donc s'en donner à coeur joie, ressortir les épisodes de Quevilly et Carquefou. Mais pour reprendre le cas du match joué à la Beaujoire contre une formation alors en CFA2, au printemps 2008, est-ce vraiment un épisode douloureux pour la bande d'Éric Gerets ? Absolument pas. De cette saison-là, on ne retient qu'une chose : la remontée spectaculaire (et jamais égalée depuis) du technicien belge, qui prend une équipe 18e en octobre et la fait finir sur le podium. Est-ce que les Olympiens auraient échangé la perte ne serait-ce que d'une place en championnat pour passer un tour de plus en Coupe et éviter l'humiliation de se faire sortir par des amateurs ? La réponse est évidemment non. Diriger, c'est aussi choisir. Rolland Courbis, par exemple, n'alignerait peut-être pas les mêmes formations si on le renvoyait en 1999 sur le banc de l'OM. Car ce que l'on retient, ce sont les trophées. Et la formation de coach Courbis, qui est peut-être l'une des plus belles de l'histoire phocéenne, commence sérieusement à disparaître de la mémoire collective. Pourtant, finir deuxième d'une Ligue 1 à 18 clubs, avec 71 points, et finaliste de la Coupe UEFA, c'est presque unique dans l'histoire du football français. Didier Deschamps l'a bien compris. Pour sa deuxième saison, alors que son équipe avait un coup à jouer en championnat, il avait titularisé Elinton Andrade et Leyti N'Diaye pour un match de Coupe de France début janvier. Défaite sèche 3-1 chez une équipe qui évoluait alors à un étage inférieur. Et après ?
En revenant sur le match à Grenoble avec ce prisme, il y a donc de quoi se dire que oui, Bielsa a tenu compte des enseignements du passé. De l'OM donc, mais aussi du sien, puisque son Athletic Bilbao avait atteint les finales de la Copa del Rey et de l'Europa League, pour un bilan de deux défaites cuisantes. Après la seconde, Bielsa avait réuni ses joueurs pour leur dire qu'ils n'avaient plus de jus et que c'était de sa faute. Le technicien argentin n'a sûrement pas envie de répéter les mêmes erreurs. Alors, ce match à Grenoble, il l'a gentiment mis de côté. Pas de manière flagrante, mais il n'a rien fait pour forcer le destin. Comme le montre sa composition de départ, et surtout ses changements. "Être éliminé d'une coupe, c'est un coup dur. Si on avait passé des tours en Coupe de France ou en Coupe de la Ligue, ça ne nous aurait pas empêchés de continuer en championnat. On a des obligations de résultats dans toutes les compétitions qu'on joue" lâchait Bielsa après le match, comme pour mieux noyer le poisson.
Pour autant, pas question de voir ses joueurs en payer le prix. Bielsa n'a donc pas sorti le parapluie : cette défaite, c'est avant tout la sienne. "Les reproches sont pour moi. Avec ce type de match, où les différences entre les deux équipes sont aussi grandes, je dirigeais l'équipe qui avait tous les avantages pour s'imposer, et comme on n'a pas réussi à gagner, j'ai plus de responsabilités que mes joueurs. Le fait d'avoir sorti le meilleur joueur de nos 45 premières minutes, qui avait mis les deux buts, c'est l'une des choses qui pourraient expliquer la défaite également". Bielsa peut puiser dans son crédit pour combler le mécontentement, et, si tout se passe bien, devrait se renflouer dans quelques jours avec la reprise du championnat vendredi.
Mais attention tout de même aux séquelles. La défaite de Carquefou avait plombé la saison d'un homme, Karim Ziani, qui s'était accroché avec Eric Gerets à la mi-temps. Selon certaines indiscrétions, les matchs de Payet et Thauvin ont agacé jusque dans le vestiaire marseillais. Dans son explication sur le remplacement de Gignac, Bielsa évoque d'ailleurs le Réunionnais : "Pendant les quinze premières minutes, j'ai vu que notre équipe n'arrivait pas à attaquer, il me paraissait indispensable que Payet soit au centre du terrain. J'ai donc pris ma décision." Si la défaite de Grenoble est pour lui, il n'est pas dit que certains n'en paient pas une petite partie dans les jours qui viennent. C'est ce qui pourrait s'appeler un nouveau coup de maître. A condition que l'enchaînement derrière en championnat soit positif, bien évidemment.
> Retrouvez dans la vidéo ci-dessous la réaction de Marcelo Bielsa après l'élimination à Grenoble.