Diego Reyes fait partie du staff élargi de Marcelo Bielsa à l'OM pour la saison prochaine. Présentation.
L'histoire de Diego Reyes est celle d'un jeune homme travailleur et persévérant, ayant eu la chance de faire une rencontre déterminante à un moment de sa vie, et ayant, surtout, le mérite d'avoir saisi les opportunités lorsqu'elles se sont présentées à lui. Âgé de 33 ans, il n'aurait sans doute pas imaginé être ce qu'il est aujourd’hui. En 1998, alors jeune bachelier de Nacimiento (une région au sud de Santiago), son souhait est tout autre. En effet, le jeune Chilien veut embrasser à cette époque une autre destinée. Il désire devenir joueur professionnel de football.
Héctor Toledo, alors entraîneur du jeune chilien entre 10 et 14 ans, se souvient avec une certaine forme de nostalgie : "Il était bon balle au pied. Ses compagnons l'appelaient Maradona, car sa technique était au-dessus du lot" dit-il la main au dessus de sa tête, comme pour illustrer ses dires. Mais malgré un passage à Grimba Azul et Colo-Colo, Reyes n'arrive pas à percer. Il décide donc de persévérer à Concepción, dans les divisions inférieures du Club Deportivo Ferroviario Almirante Arturo Fernández Vial. Et ce, malgré les invectives de sa mère, le trouvant "trop intelligent" pour être footballeur. Finalement, après une année sans être appelé en équipe première, il décide d'écouter sa mère et se dit qu'il fait sans doute fausse route dans son obsession. Il choisit alors de retourner chez lui, à Nacimiento, pour reprendre ses études. Mais surtout, pour accompagner son grand frère Pablo, atteint d'une maladie grave. Le même grand frère qui l'avait jusque-là encouragé à persévérer dans le football.
Nous sommes en 2000 lorsque Pablo quitte définitivement son frère. Un coup dur pour le Chilien. Reyes réaliste à ce moment que le football est définitivement une mauvaise idée. Il devient professeur d'EPS au collège de Ñuñoa, puis au collège de La Cisterna. L'appel de la boule de cuir et du gazon s'impose à lui avec le temps. De manière irrésistible. Résolu à se donner une seconde chance, il valide un Master en éducation physique et sportive à la UMCE et commence sa carrière comme entraîneur à l'Instituto Nacional del Fútbol (Inaf). En 2006 Diego décide d'appendre le français et d'embrasser ainsi une carrière d'entraîneur en France. Et pour cela, rien de mieux que le Centre de Clairefontaine. Le Chilien demande une bourse pour pouvoir rejoindre le prestigieux centre français. Mais, deux fois de suite, il voit son dossier rejeté. Il n'est pas du genre à abandonner à la première difficulté. En 2008, il se présente pour une troisième fois et parvient à atteindre le dernier niveau de sélection, autrement dit, l'oral final. Il ne le passera jamais. Car entre temps, un certain Loco fait appel à lui. Reyes se souvient encore du coup du fil. Il se voit assis en face de la salle d'étude. Et le portable vibrant dans sa poche. Une voix inconnue lui dit : "veuillez patienter un instant, un correspondant va vous répondre...". En effet, un instant plus tard, la même voix enchaîne : "vous allez parler à Marcelo Bielsa". Il ne se souvient plus ce qu'il a dit lors de cette conversation. L'émotion était juste trop importante. Il se souvient, par contre, avoir raccroché et appelé son frère Cristián dans la foulée, pour que celui-ci lui prête un costard afin de rentre visite au technicien Argentin à Pinto Durán. Ce n'est d'ailleurs par la première fois que Reyes se rend au centre chilien. Déjà grand amateur du travail de l'Argentin, Reyes avait, par deux fois en 2009, tenté de contacter Bielsa, afin que ce dernier lui fasse une lettre de recommandation pour appuyer son dossier à Clairefontaine. En vain. "Tu es fan de Bielsa ? Va donc le retrouver, il t'attend dans la salle d'à côté". Cette phrase est de Berizzo, l'ancien Marseillais, alors adjoint du Loco. Voilà le premier souvenir de Reyes comme membre du staff de Bielsa. Le même jour, il fait la rencontre de Quiroga et Aravena, deux autres membres historiques du staff de Bielsa. Encore comme dans rêve, Reyes demande qu'on le prenne en photo à côté de toute l'équipe. Comme pour laisser une trace indélébile de cet instant. Comme pour prouver à sa famille et à lui-même que ce moment n'est pas un songe. Cette photo trône encore fièrement dans le salon de la petite résidence de sa mère.
Durant l'été 2009, le travail principal de Reyes consiste à regarder 120 bandes VHS et de les transposer en DVD. Un travail qui commence à 9 heures du matin et qui se termine treize heures plus tard. "Que fais-tu encore ici, rentre donc chez toi !". Malgré les remarques de Berizzo devant un Reyes avachi face à ses écrans, les yeux rougis pas des visionnages incessants, le Chilien continue à faire des heures supplémentaires sans broncher. En réalité, il les fait avec un plaisir à peine dissimulé. Les vidéos en question mettent en images ses joueurs préférés. Batistuta, qu'il sait fan de Newells. Zanetti, qu'il sait fan d'Independiente. Sorín, qui a débuté à Argentinos Juniors, tout comme un certain Maradona. Tous ces joueurs, il les connaît par coeur. Et pouvoir observer leur jeu frôlant, par instants, la perfection est une joie incommensurable, un exercice ne ressemblant ni de près, ni de loin, à un travail laborieux. À la fin de son essai, Reyes n'a aucun espoir particulier. Pour lui, la belle aventure se termine. Et pourtant, avant de partir, Bielsa le convoque une dernière fois. Il se souvient encore des paroles du Loco. "Je te veux dans mon équipe. Comme assistant. Mais si tu préfères, je te fais une lettre de recommandation." Depuis, le Chilen a pris une place de plus en plus importante. Sur le terrain, comme membre incontournable du staff de Bielsa, mais également dans le coeur du Loco. Ce dernier, pourtant soucieux de garder une distance respectueuse entre lui et tous les membres de son équipe a, entre autres, prêté à Reyes sa voiture après le tremblement de terre qui secoua la région natale du Chilien. Notre jeune assistant a ainsi pu retourner voir sa famille. Il a également été le dernier membre du staff à être resté avec Bielsa lorsque tous deux quittèrent le navire de Bilbao. Il se souvient, tard le soir, dans un centre d’entraînement désert, qu'il écrivait silencieusement les derniers rapports, tandis que Bielsa buvait son maté en lui donnant ses ultimes indications.
Reyes rentre régulièrement à Nacimiento pour voir sa famille. Dans cette petite ville, où flotte dans les ruelles un parfum de bois brûlé dégagé par une fabrique de papier faisant vivre la région, il se balade comme n'importe qui, dans un quasi-anonymat. Les seules personnes pouvant le reconnaître savent qu'ils n'auront aucune information de lui. Bielsa demande à ses collaborateurs la plus grande discrétion. "Je ne veux pas perdre mon travail" dit-il chaque fois, avec une certaine malice, lorsqu'une personne vient lui demander quelques indiscrétions. Le Mexique, le Chili et le Paraguay sont venus lui demander ses services. La Qatar a également déposé une mallette à billets pour tenter de séduire le Chilien. Mais ce dernier ne marche pas à l'argent. Il va là où la passion le guide. Et celle-ci est incarnée par Bielsa. Il ne saurait en être autrement. Sa mère de 61 ans le rappelle sans cesse. "Mon fils est presque Diego Bielsa, tellement son nom est associé à celui de l'Argentin. Marcelo ne fait rien sans mettre au courant mon Diegito."
Le challenge de Marseille est finalement le seul qui pouvait séduire le jeune assistant. L'homme qui a dit non à Clairfontaine et non au Qatar. Le voilà enfin en France, après un sacré détour. Et pas n'importe où. À l'Olympique de Marseille, aux antipodes du football parisien et de son ogre multimilliardaire, le PSG. Car il ne saurait en être autrement. Bienvenu chez toi, Diego !
F.Maurel