C'est à croire que, perdu pour perdu, Michel va aller chercher la première place sur un autre tableau. Avant d'être viré, ou non reconduit vu la passivité de sa direction, le technicien espagnol va peut-être tenter de faire l'unanimité contre lui, d'arriver à être encore plus impopulaire que Raymond Domenech, alors que l'ancien sélectionneur des Bleus avait quand même placé la barre sacrément haute en 2010. Si ça se trouve, il ne reste que quelques semaines à l'ancien joueur du Real Madrid pour parvenir à ses fins. Mais au rythme où vont les choses, l'actuel chroniqueur de 'Touche pas à mon sport' a du souci à se faire. Ça ne peut être que ça. Michel fait attention à son image, à ce qui se dit sur lui. Il se fait même traduire certains articles. Il n'ignore donc pas l'indignation qu'il a suscitée par exemple après sa conférence de presse il y a quelques jours, et son renvoi systématique aux deux premières journées qu'il n'a pas disputées pour expliquer la situation délicate du club. Mais samedi, sur le banc de Lorient, il a décidé encore de passer une vitesse.
Sur le banc du Moustoir, l'entraîneur a passé la rencontre debout, devant son staff et les remplaçants. Peut-être pour faire une belle photo à poster sur Twitter avec un message du style "l'entraîneur est toujours seul". Mais certainement pas pour être au plus près de son équipe, la bouger si nécessaire. Deux changements imposés sur blessure, un troisième poste pour poste en guise d'aveu d'échec, puisque Thauvin a une nouvelle fois été catastrophique. Pour être complet, il y a aussi deux touches de balle, quand le ballon est passé près de lui, histoire de rappeler qu'il a été un grand joueur. Et puis c'est tout. Depuis leur cabine de commentateurs, les journalistes de Canal+ n'en croyaient pas leurs yeux, se permettant même de sortir de leur habituelle réserve. "C'est rare, il n'a rien tenté. On ne peut pas se révolter avec lui" dira David Berger. Pour Franck Sauzée, Michel a donné l'image d'un homme qui va poser sa démission dans les jours à venir. Une fois le coup de sifflet final, face aux micros et aux caméras, il a par contre retrouvé son esprit de révolte. Prévisible, il a d'abord lancé une première excuse, rappelant qu'il ne maîtrise pas les blessures de joueurs. Puis il embraye. "La première mi-temps est indigne du niveau de l'OM". Pourquoi ne rien avoir tenté alors pour changer les choses ? Il a peut-être bougé son groupe dans le vestiaire, ce qui explique le but à la 46e. Mais Michel enchaîne, avec toujours plus d'incohérence. "Il n'y a qu'en restant unis que nous y arriverons" explique-t-il. Pourtant, lui qui se faisait une joie d'expliquer qu'il ne chargeait jamais publiquement ses joueurs il y a 48 heures en conférence de presse, va enchaîner en jetant des pierres de partout. "Beaucoup de joueurs devraient s'inspirer de Mandanda", pour commencer, "c'est une honte ce qu'il se passe" ensuite, et un "vous devriez demander à Mendy pourquoi il est blessé si souvent" en guise de bouquet final.
Techniquement, Michel n'a pas tort. Les joueurs de l'OM ne sont absolument pas concernés et plusieurs supporters phocéens ont croisé Benjamin Mendy dans un établissement de nuit marseillais du 8e arrondissement... mercredi soir, au retour d'Ajaccio. Ce qui ne doit pas aider pour éviter une rechute à la cuisse droite, c'est certain. Mais si l'OM en est là, si les joueurs sont à ce point en roue libre sur le terrain, c'est bien parce qu'ils sentent qu'il n'y a personne au-dessus d'eux pour les recadrer. Des enfants, trop heureux de profiter de l'absence des parents pour ne pas faire leurs devoirs le soir, sans réaliser que cela va leur porter un terrible préjudice. Ce n'est pas nouveau à l'Olympique de Marseille. En 2012, quand Deschamps, miné par les conflits internes, savait qu'il n'irait pas au-delà de sa troisième saison sur le banc, en 2014, quand ce fut au tour de José Anigo d'attendre la fin de l'exercice pour mieux quitter le banc, les performances des Olympiens étaient déjà indignes. À la fin de chaque match, ils avançaient les mêmes explications, juraient que le groupe vivait bien, avant que l'on découvre, au départ des uns ou des autres, que ce n'était absolument pas le cas. Rebelote cette saison donc, avec un Michel qui laisse tout ce petit monde s'entretuer sur le terrain. Batshuayi est exaspérant, il ne fait pas une passe et pourrait jouer avec un casque sur les oreilles et sa musique, tant les remarques de ses coéquipiers ne lui importent peu. Mais il n'y a personne au-dessus de lui pour le sortir. Le sacrifié du onze de départ, c'est Fletcher, le joueur le plus collectif, qui a eu le tort à Ajaccio de ne pas être suffisamment servi par des coéquipiers qui veulent à tout prix soigner leurs stats d'ici la fin de saison. Mettre l'Écossais de côté, c'est comme Bouna Sarr, c'est plus facile, il y a peu de risques que ses plaintes d'après-match aient l'attention présidentielle. Mais le pire dans cette histoire, c'est que Michel, dont l'image est la préoccupation première, ose se plaindre de cette dérive qu'il initie : "Je suis en colère parce que c'est moi qui dois faire face aux caméras après leur mauvaise prestation". Carrément. On en viendrait presque, puisqu'il n'y a plus rien à sauver de cette saison, si ce n'est un hypothétique sacre en Coupe de France, à espérer que Michel aille au bout de la saison. Pour son "projet d'image".