Il y a 15 ans, l'OM perdait son emblématique supporter, Patrice de Peretti dit Depé, la veille de la première journée de championnat. Lors du match face à Caen, les virages ont scandé son nom, en guise d'hommage. En quittant l'enceinte, les supporters du virage nord sont peut-être passés devant le mur à son effigie. Il y est inscrit une phrase : "Les joueurs et les entraîneurs passent, les supporters restent". Ce dimanche, les supporters de l'OM sont toujours là. Ils ont payé leurs abonnements, ont répondu présents pour un match amical de prestige, mais se retrouvent sans entraîneur après une seule journée de championnat et une défaite à domicile. Pour expliquer cela, deux méthodes, Marcelo Bielsa, qui a fait traduire sa lettre de démission en conférence de presse, et Vincent Labrune, qui a publié tard dans la nuit un communiqué sur le site officiel du club. Des messages qui ont un même but, se faire passer comme la victime de l'histoire. Mais il ne faut pas se tromper au moment de jeter un coup d'oeil au constat : ce n'est même pas du tort partagé, les deux sont coupables à 100%. Car les deux ne disent pas la vérité.
Les honneurs pour Bielsa, qui s'est exprimé en premier. Il est venu jeudi en conférence de presse avec plusieurs feuilles A4 dans la main. Sur la première, il avait marqué les changements de l'équipe poste pour poste, sentant venir la question "trouvez-vous votre équipe plus forte que l'an dernier ?" : il a donc dégainé qu'Ayew a été remplacé par Sarr, Gignac par Nkoudou, Morel par Rekik, Fanni par Manquillo, Imbula par Diarra alors que Payet n'avait toujours pas été remplacé. Une sacré punchline. A un moment, Bielsa a hésité à lire une deuxième feuille. La lettre qu'il avait rédigée pour Labrune après cette fameuse réunion de la veille avec Philippe Perez et l'avocat d'MLD, où on a voulu changer son contrat ? Peut-être. L'entraîneur argentin a donc joué du violon pendant une heure aux journalistes et accessoirement aux supporters, qui étaient nombreux devant leurs écrans pour suivre la première conf' de l'année. Ses partisans pourront toujours se raccrocher à sa justification : le coach ne voulait pas perturber la préparation du match contre Caen et a préféré faire comme si de rien était. Il s'est payé la tête de son employeur en faisant croire qu'il était satisfait de leur relation en public. Après tout pourquoi pas, combien de salariés en France rêveraient de faire la même chose ? Mais Bielsa ne dit pas la vérité pour autant. "Comme vous le savez, j'ai refusé plusieurs offres importantes à l'intersaison car je voulais rester à Marseille, je ne le regrette pas" a-t-il expliqué. Il aurait été plus honnête de dire qu'il est monté à la fin de la saison dernière passer une audition pour être le futur entraîneur de West Ham. Selon nos informations, le président des Hammers lui a expliqué, qu'il n'était pas le type de coach qui le faisait rêver mais qu'il lui donnait trois minutes pour exposer son projet, ce qui a fait bégayer l'Argentin. Le club de l'Est londonien a finalement choisi Slaven Bilic. Mais si leur choix s'était porté sur Bielsa, aurions-nous eu également une déclaration qui se termine en rendant hommage à "l'inoubliable Vélodrome et son public" ? A l'intersaison, sur ordre du chef, le staff de Bielsa a dû visionner de nombreux matchs de Naples. Parce qu'il pensait croiser leur route en Europa League ? Attiré par la ville, Bielsa rêvait avant tout de Premier League. Ce qui explique peut-être pourquoi les dirigeants de Leicester, autre club de Premier League qui cherchait un coach cet été, avaient assurés à Kanté que Bielsa ne serait plus l'entraîneur de l'OM, comme le révèle L'Equipe.
Si des journalistes ont cette information, Vincent Labrune et ses équipes, en contact permanent avec tout ce qui est influent autour de l'OM, devaient bien évidemment le savoir. Le départ de Jan Van Winckel a dû également leur mettre la puce à l'oreille. Pourtant, dans la nuit, sur le site officiel, le président s'est déclaré "abasourdi" et précise "comme les supporters", histoire de renouer discrètement le contact. Il explique que ce n'était que des changements techniques dans ce contrat et rajoute "tous ses souhaits ont été exaucés". Une belle réponse à l'ironie de Bielsa deux jours avant en conférence de presse. Car le mercato n'est évidemment pas ce que souhaitait Marcelo Bielsa mais plutôt Vincent Labrune, qui a tout de même signé un Rekik par-ci, un Manquillo par-là, pour ne pas être pris en flagrant délit. A la fin de la saison, alors que l'OM savait qu'il n'y aurait pas de Ligue des champions, Bielsa avait proposé un deal à Labrune : laisser partir Gignac et André Ayew, en fin de contrat avec des salaires plus en adéquation avec le club, vendre Giannelli Imbula pour combler le déficit, mais conserver Fanni, Morel et Ocampos. Et ne recruter personne. Bielsa croyait au potentiel de Mendy, Payet, Thauvin pour faire progresser l'équipe. Pourtant, dès la fin de saison, Morel signe à Lyon, Fanni part pour le Moyen-Orient. La première recrue de l'OM se nomme... Georges-Kévin Nkoudou, dont le représentant n'est autre que Meissa N'Diaye, un agent ultra-proche de Labrune qui lui a permis de vendre Valbuena au Dynamo Moscou mais aussi de faire venir Batshuayi. Volonté de Bielsa, vraiment ? N'Diaye est également le conseiller de Lassana Diarra. C'est peu dire que Labrune n'a pas pu s'empêcher une nouvelle fois de faire le mercato avec ses amis, ce qu'il reprochait à ses prédecesseurs quand il était président du conseil de surveillance. Cela avait déjà été le cas l'été dernier. Conscient de ne pas aller dans le sens de son entraîneur pour leur premier mercato commun, VL avait été mis en garde par un membre du staff de Bielsa, qui lui disait qu'il faisait face à un joueur de poker. "Ca tombe bien, je suis un très bon joueur de poker" avait renvoyé Labrune, confiant. Il avait pourtant perdu la partie après la conférence de presse de début septembre, où Bielsa ne l'avait pas ménagé. Et il n'a pas pu s'empêcher cet été de se rasseoir à la table...
Dans les jours à venir, Bielsa va peut-être s'engager avec la sélection mexicaine, Vincent Labrune va peut-être faire venir un entraîneur de renom, preuve qu'il avait tout prévu. Entre temps, des langues vont se délier, apportant de l'eau au moulin de l'une ou de l'autre version. De quoi savoir la vérité ? Evidemment non, ce n'est pas si simple. Pour rappel, on ne sait toujours pas la vraie raison du départ d'Eric Gerets, il y a plus de six ans. Reste donc le factuel. Franck Passi, qui avait déjà dirigé la reprise de l'entraînement en 2012 parce que Vincent Labrune n'avait pas trouvé d'entraîneur, va animer les prochaines séances avec un staff sérieusement réduit. Un avion de plus de 65 000 places sans pilote, ça fait quand même peur.