McCourt a-t-il des raisons de se décourager ?
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 20/04/2020 à 01:00
La crise subie par le football européen actuellement peut-elle vraiment pousser le président de l'OM à se désengager ?
Au-delà du drame humain qu'elle représente, la crise du Covid-19 est en train de plonger le monde entier dans un marasme économique qui fait trembler tous les experts. Évidemment, le football n'y échappe pas, avec l'arrêt des compétitions dans les championnats européens, une incertitude totale sur les moyens de pouvoir aller au bout des compétitions, et plus généralement les risques de voir ce gigantesque marché s'effondrer. Il faut dire que le business du football européen a atteint un niveau complètement délirant ces dernières années, qu'il s'agisse de la bulle des droits TV mais aussi des tarifs des transferts, qui sont d'ailleurs intimement liés. Deux mannes d'argent totalement disproportionnées sur lesquelles les modèles économiques des clubs reposent désormais dans leur quasi-totalité. Il est évident que si ce système venait à exploser, il entraînerait avec lui les propriétaires des clubs. Raison pour laquelle de plus en plus de spécialistes s'inquiètent, et avec eux de nombreux supporters, dont ceux de l'OM, alertés ces derniers jours sur la supposée tentation de Frank McCourt de vendre le club.
On imagine mal le propriétaire de l'OM renoncer à son investissement au plus mauvais moment pour céder son club
Pour commencer, et c'est notre point de vue, absolument rien n'indique que cette rumeur soit crédible. C'est d'ailleurs ce que répondait la semaine dernière Jacques-Henri Eyraud dans un entretien à L'Équipe : "Frank est un investisseur exceptionnel et les rumeurs sur la vente du club sont des fake news. Tant pis pour ceux qui en rêvent la nuit." Évidemment, une réponse contraire eut été étonnante, mais on imagine mal le propriétaire de l'OM renoncer à son investissement au plus mauvais moment pour céder son club. Ceci dit, cela n'empêche pas les dirigeants de réfléchir au modèle actuel du foot européen, dans un moment où sa fragilité n'a jamais été aussi visible. "Cette crise doit nous inciter à changer bien des choses, expliquait samedi Jacques-Henri Eyraud. À faire cesser ce qui s’est peu à peu mis en place dans le monde du football, à lutter plus fortement encore contre sa part d’ombre, son côté obscur, ses excès. L’OM doit être en première ligne de la recomposition du football une fois la crise derrière nous. Et à titre personnel, il est clair que je rejoindrai tous ceux qui veulent retourner la table parce qu’on ne peut plus continuer ainsi". La preuve que la fragilité de ce business-modèle inquiète, et surtout au sein d'un OM lui-même très fragile avec ses déficits qui ne cessent de se creuser saison après saison.
"Aujourd'hui, on se rend compte que cela ne tenait sur rien et que tout pouvait être bouleversé par un évènement extérieur"
Des inquiétudes que cette crise révèle encore plus, mais que les spécialistes signalent depuis bien plus longtemps, comme l'explique au Phocéen l'économiste du sport Jean-François Brocard, du CDES de Limoges : "Il y a une énorme différence entre la valeur actuelle de ce marché du foot européen et sa valeur intrinsèque, mais personne ne s'inquiétait d'un anéantissement possible de ces sources de revenus, car personne n'avait prévu ce scénario de crise sanitaire. On pensait même plutôt à une nouvelle augmentation avec l'arrivée progressive des États-Unis et de l'Asie. Il faut savoir que l'inflation de cette bulle vient principalement d'Angleterre avec l'avènement de la Premier League. Les droits TV se sont mis à flamber, entrainant automatiquement la flambée des tarifs des transferts puisque ces clubs disposaient de ressources quasi illimitées. Il y a les transferts records, bien sûr, mais aussi ce qu'on a pu voir avec les 30 M€ dépensés par Fulham pour Zambo-Anguissa, ou les 20 M€ donnés par Sunderland à Lorient pour Didier Ndong. Des sommes totalement disproportionnées qui ont bouleversé le marché. Aujourd'hui, on se rend compte que cela ne tenait sur rien et que tout pouvait être bouleversé par un évènement extérieur. D'où l'affolement des dirigeants du foot actuellement".
"La seule raison qui pourrait le pousser à vendre le club aujourd'hui serait un besoin d'argent urgent, un problème de trésorerie, mais ça n'a rien à voir avec l'état de ses actifs"
Un affolement qui entraîne évidemment les addicts de la rumeur, dont celle dont on parle aujourd'hui sur cette tentation d'un désengagement de la part de Frank McCourt. Il n'est pas question ici de les contredire formellement, mais plutôt de démontrer qu'une vente de l'OM dans la situation actuelle serait totalement contreproductive pour le propriétaire américain. "Quand vous avez un actif financier qui perd de la valeur - ce qui est le cas de l'OM comme des autres clubs - si vous le vendez aujourd'hui, il est évident que vous en retirerez bien moins que ce que vous pourrez obtenir dans deux ans, explique Jean-François Brocard. Aujourd'hui, on est certainement au plus bas de ce que peut être la valorisation de l'OM, ce qui reviendrait à le vendre au plus mauvais moment". Cela semble logique, même si ceux qui imaginent ce scénario s'appuient sur la situation financière actuelle du milliardaire de Boston. Là encore, l'argument a du mal à tenir. "Il faut savoir quelle est sa situation financière personnelle, indique Jean-François Brocard. On dit que sa fortune a fondu ces derniers temps, mais il faudrait être précis sur ce sujet. S'il s'agit de son capital patrimonial, c'est tout à fait logique compte tenu de la crise actuelle avec les bourses qui dévissent. Ce qui veut dire qu'il remontera automatiquement lorsque les bourses remonteront. En fait, la seule raison qui pourrait le pousser à vendre le club aujourd'hui serait un besoin d'argent urgent, qu'il ait un problème de trésorerie, et ça n'a rien à voir avec l'état de ses actifs. Si ce n'est pas le cas, il n'a aucun intérêt à le faire". Voilà pour le constat, avec un McCourt qui se désengagera forcément un jour, mais lorsqu'il pourra réaliser une vraie culbute financière. Alors que l'OM est sur le point de récupérer une véritable exposition mondiale ainsi qu'une meilleure santé financière avec la perspective de la Champions League la saison prochaine, une vente imminente du club à une valeur au plus bas n'aurait donc aucun sens.