L'entraîneur argentin a révolutionné l'OM avec sa méthode. Mais un peu de souplesse sur son système défensif pourrait être bénéfique.
Après un démarrage délicat, Marcelo Bielsa a remis tout le monde en place. Les entraîneurs et les consultants français, qui avaient émis des doutes sur l'efficacité de sa méthode dans l'hexagone, sont devenus la risée du public par la simple grâce des résultats obtenus par le technicien argentin. La "Bielsamania" dépasse désormais largement le cadre de Marseille, et il est de bon ton sur les plateaux TV spécialisés de bénir ce vent de fraîcheur en Ligue 1. Facile. Aller à l'encontre de cet entraîneur devient un exercice extrêmement périlleux tant il est capable de répondre et de désarçonner ceux qui émettent des doutes à son encontre. D'ailleurs, en conférence de presse ce vendredi, ceux qui sont venus lui demander des comptes sur l'efficacité de l'équipe ou sur la réussite d'André-Pierre Gignac en ont eu pour leur argent : Bielsa les a tout simplement humiliés, sans même élever la voix.
Et à la limite, il n'a même pas besoin de faire l'effort. Le classement de la Ligue 1, qu'il domine avec son équipe contre toute attente, parle pour lui. Mais vient alors une question d'exigence propre au supportérisme : doit-on s'en contenter ? Serons-nous vraiment heureux, dans une dizaine d'années, de nous rappeler de cet OM "made in Bielsa", qui était quand même leader au soir de la 16e journée ? Quelle folie... Attention, loin de là l'envie d'annoncer que cette équipe a mangé son pain blanc et que l'orage va s'abattre sur elle dès dimanche avec la réception de Metz. Mais l'occasion est peut-être unique de terminer champion de France avec un Paris Saint-Germain au budget pharaonique mais qui n'a pas encore un entraîneur capable de dompter toutes ses stars, et un Monaco qui a totalement raté son changement de statut. Autant ne pas répéter les erreurs du passé en s'adaptant, en corrigeant les détails qui clochent pour ne pas finir comme une autre équipe de Bielsa : l'Argentine de 2002. Impressionnante en phase de qualification avec 13 succès sur 18, la sélection albiceleste était largement favorite du Mondial asiatique. Mais à ne pas considérer la possible association entre Batistuta et Crespo dans son système, Bielsa a vu son équipe se ramasser, certes dans le groupe le plus relevé (Nigéria, Angleterre, Suède).
Le principal sujet d'inquiétude à l'OM n'est pas l'association entre Gignac et Batshuayi. Ce qui fait parler, c'est plus cette défense à trois dans laquelle les Phocéens semblent bien moins à l'aise que lorsqu'ils évoluent à quatre. S'ils ne deviennent pas non plus tétanisés lorsqu'il faut passer au 3-3-1-3 (puisque c'est ainsi que son créateur l'appelle), si les adversaires ne passent pas à deux pointes quand il faut jouer Marseille, preuve que ce n'est pas forcément le point faible ultime de l'équipe, l'entêtement pourrait coûter des points. Car lorsque l'OM passe à 3 derrière, on pourrait presque dire qu'elle joue à 10. Giannelli Imbula, esseulé au milieu de terrain, n'a absolument plus le même rendement. Le risque existe donc de le perdre en lui demandant de jouer contre nature. S'il ne faut jouer qu'avec un seul milieu de terrain, autant opter pour un élément plus habitué au rôle de sentinelle comme Romao ou Lemina.
Si Bielsa veut à chaque fois être en supériorité numérique derrière (3 défenseurs centraux s'il y a deux attaquants axiaux en face, 2 s'il n'y a qu'une pointe), c'est pour permettre à son équipe de relancer proprement. Un argument hautement louable, tant Nkoulou a retrouvé de sa superbe. Mais il y a à ce moment-là une autre possibilité : celle de passer au 3-4-2-1. Comprendre mettre un joueur aux côtés d'Imbula tout en laissant trois défenseurs centraux. Comme on ne peut toujours mettre que onze joueurs sur le terrain, cela implique de soustraire un élément offensif. Mais pas forcément moins jouer l'attaque. Rares sont les matchs où Ayew, Thauvin, Payet ET Gignac ont brillé chacun dans leur domaine. En mettre que trois, Thauvin, Payet et Gignac par exemple, mais garantir au premier cité qu'il n'aura pas autant d'efforts défensifs à faire puisque sept joueurs seront positionnés derrière lui, cela peut être encore plus explosif. D'autant que Thauvin peut aussi jouer dans un rôle de deuxième attaquant qui tourne autour de Gignac, le trio pouvant alors se calquer sur ce qu'a fait offensivement la sélection des Pays-Bas au dernier mondial brésilien avec Robben, Van Persie et Sneijder.
La balle est donc dans le camp de Marcelo, l'ultime décideur, et surtout l'homme du renouveau. Et si cet ajustement peut lui permettre de devenir "l'homme du renouveau et des titres" ça n'en sera que mieux.
> Retrouvez dans la vidéo ci-dessus le débat consacré au sujet lors de la Question Existentielle.