Les messages qu'André Villas-Boas a voulu faire passer
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 15/01/2020 à 16:37
Retour sur la conférence de presse haute en couleurs d'André Villas-Boas.
C'est un moment plutôt rare dans le football moderne, dont les enjeux sont tels que la communication et le story-telling tiennent normalement bien en laisse les émotions que peuvent en ressentir les acteurs. Seul l'avenir nous le dira, mais, comme lors de la précédente décennie, un épisode fort de la saison de l'OM s'est peut-être joué loin du rectangle vert du stade Vélodrome. Ce mercredi 15 janvier, lors de sa conférence de presse hebdomadaire au centre RLD, André Villas-Boas a fait une sortie qui risque de rester dans les annales. Il va s'en suivre un raz de marée médiatique dont certains à l'OM se seraient bien passés. La réaction de chaque dirigeant va être épiée. C'est que le coach n'y est pas allé avec le dos de la cuillère, et que la séquence a rappelé à certains ce qu'ils avaient vécu dans la même pièce il y a plus de cinq ans avec Marcelo Bielsa.
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Aldridge, le feu aux poudres
Au départ, une question sur la nomination de Paul Aldridge à l'OM. D'habitude, André-Villas Boas fait front avec ses dirigeants et accepte toujours de répondre, loin du "demandez à Andoni" qui était devenu récurrent avec Rudi Garcia. Mais là, dès le départ, comme vous pouvez le voir en vidéo, il se désolidarise totalement. "C'est une décision qui a été prise par Jacques-Henri. Je l'ai apprise par Andoni la semaine dernière. Lui-même l'a apprise le 30 décembre dernier. C'est à lui de répondre et c'est à Jacques-Henri de parler pour dire pourquoi il a pris cette décision". Ca commence bien. Il tourne ensuite en dérision cette décision, expliquant, en répondant à la question, qu'il n'y a pas besoin de travailler son réseau en Angleterre, avant de reprendre un terme du président dans son explication matinale parue dans les colonnes de L'Equipe dans ce qui ressemble fort à de l'ironie. "C'est toujours ta compétitivité sportive qui te donne plusieurs chances de sortir, ce n'est pas parce que tu mets un agent ou un intermédiaire dans ton club que ça va fonctionner au niveau des réseaux. J'espère que Paul (Aldridge) va porter les ambitions et les consignes de Jacques-Henri sur le développement de la fan expérience". Au passage, AVB en glisse une autre sur le fait que le président a d'abord communiqué sur un média, en externe, sur le sujet, et que cela ne figurait pas sur le site officiel du club. Jacques-Henri Eyraud a dû sûrement apprécier. Mais ce n'est pas fini.
Ce que Villas-Boas reproche à Eyraud
Car la réponse à la question dure six minutes. Un monologue dans lequel l'entraîneur laisse filtrer rapidement l'objet de son courroux. La volonté du président de l'OM de se séparer de joueurs au mercato d'hiver en cas de bonnes offres. Villas-Boas, lui, ne veut pas toucher à son groupe : "Jacques-Henri est passé dans mon bureau l'autre jour et m'a demandé un peu si on a des ventes, ce qu'on fait ou pas. Après, c'est à lui d'exécuter ou non ce type de choses. Sur le point de vue sportif, on a fait en six mois quelque chose qui a donné une stabilité à l'un des clubs les plus instables du monde, sur l'aspect émotionnel, de la presse, des supporters. Si quelque chose aide le club à vendre, c'est le rendement sportif de l'équipe. Et maintenant, je trouve que c'est au top et que l'intérêt du club est de maintenir ça au top, c'est-à-dire d'arriver à la fin d'année avec les objectifs proposés et décider à la fin de l'année. Je viens d'une école de Porto où les joueurs ne sont pas à vendre. Tous les joueurs pour sortir sortent avec la clause. Moi je continue à être l'entraineur le plus cher au monde, car Chelsea a payé une clause de 15 millions d'euros pour me libérer de Porto. Un actif reste un actif, ce n'est pas une chose à vendre. L'aspect économique, c'est pour Jacques-Henri et Frank. C'est à eux de décider de ce qui est important, vendre les joueurs, l'entraîneur...". Oui, il se met carrément dans le lot... ce qui n'est pas rassurant sur son avenir. Et cette fois-ci, il nomme directement l'actionnaire Frank McCourt, ce qu'il avait fait implicitement lors de sa dernière intervention sur le mercato, déjà pour convaincre qu'il valait mieux attendre la fin de la saison pour vendre.
Un avenir déjà loin de Marseille ?
Lorsqu'il s'exprime sur le sujet, le coach a les traits tirés, le ton est haut, ferme. Juste derrière, des journalistes l'interrogent sur le match à venir en coupe de France, les consignes pour les éventuels tireurs de penalties... il redescend, comme si de rien était. Mais forcément, vu ce qu'il vient de dire, les rebonds arrivent, inévitablement. Et AVB se tend à nouveau, laissant entendre que son avenir à l'OM est loin d'être acquis. Il y a cette séquence forte, où, interrogé précisément sur son maintien à la tête de l'équipe en fin de saison, il laisse passer quelques interminables secondes pour finalement lâcher : "Je veux te répondre avec franchise, mais je ne peux pas". Lors de son plaidoyer, AVB revient à deux reprises sur un fait. S'il est à l'OM, c'est pour ce que le club représente, et Zubizarreta. Une manière d'enfoncer le clou et de lier son avenir à celui du directeur sportif, sous contrat au club jusqu'en 2021 mais dont les prérogatives sont de fait en partie rongées par l'arrivée d'Aldridge. Mais même une nouvelle prolongation de l'Espagnol pourrait ne pas convaincre le Portugais de rester. Car il assure choisir ses challenges en fonction de la relation qu'il entretient avec la personne au-dessus de lui. "Le projet reste le projet des personnes, de l'intégralité, de la relation de confiance et c'est toujours ça, ma façon de vivre". Une façon de vivre mais surtout une manière de communiquer qui, au vu de sa popularité, place le président de l'OM en première ligne. Gerets et Bielsa l'ont fait auparavant. Et on sait comment tout cela s'est terminé...