Quelques semaines après son arrivée, Marcelo Bielsa avait surpris son monde en conférence de presse. Alors qu'une question tactique lui avait été posée, il n'avait pas attendu la traduction pour répondre. L'entraîneur argentin faisait donc passer le message qu'il comprenait parfaitement le français. Un fait d'armes de plus pour "El Loco", alors que son style commençait à transfigurer l'équipe phocéenne. Mais depuis, plus rien.
Si les mois ont passé, Marcelo Bielsa continue de venir en conférence de presse flanqué de son atypique traducteur, Fabrice Olszewski, qui n'a pas été choisi par hasard par l'Argentin. Car les approximations de celui qui a travaillé avec lui au Chili permettent à l'entraîneur de détourner l'attention de ceux qui viennent en conférence de presse pour y chercher du spectacle, de la petite phrase, du "décalé". Mais aussi de noyer le poisson, parfois, sur des questions sur le jeu. Marcelo Bielsa a expliqué qu'il ne s'exprimait toujours pas en Français car il avait honte de mal parler. Voir les médias rappeler chaque semaine les limites sémantiques de Jardim en conférence de presse à Monaco ne doit pas inciter à franchir le pas, il est vrai. Le fait qu'il ne parle pas encore la langue n'agace pas à Marseille. Peut-être dû à l'histoire d'une ville portuaire ouverte sur le monde, mais aussi au fait que le technicien ait montré rapidement de l'intérêt pour la cité phocéenne. "Je ne parle pas la langue locale et c'est une limite, un défaut. Mais cela ne me condamne pas. J'ai fait tout ce que je pouvais pour montrer le respect. Je connais votre culture, vos sensations, vos émotions, vos idoles, les personnes emblématiques du coin, j'ai passé du temps pour savoir, où je suis, comment les gens y vivent" s'est-il défendu en conférence de presse mercredi, avant de refuser de se projeter sur la saison prochaine, de peur sans doute de relancer les spéculations sur son avenir. C'est une question hypothétique à laquelle je préfère ne pas répondre. Mais je vous assure que je n'ai pas eu de problème de communication avec les joueurs".
Il y a par contre là de quoi en douter. Pour la première fois de sa carrière, Marcelo Bielsa est à la tête d'une équipe non-hispanophone. Et force est de constater qu'il a peut-être sous-estimé le problème, là où José Mourinho avait utilisé de l'argot lombard à sa première conférence de presse à l'Inter Milan et où Pep Guardiola avait appris l'Allemand six mois avant de commencer à diriger l'entraînement du Bayern Munich. Le fait de parler une autre langue avec son staff imposant a donné un coup de fouet au club tout entier, instaurant une relation de distance salutaire avec des joueurs qui refusaient l'an dernier les tours de terrain supplémentaires. Mais au fil des mois, l'effet s'est retourné contre Bielsa, la barrière de la langue ne l'ayant pas permit de créer une relation plus profonde avec certains joueurs, qui avaient besoin d'être soutenus psychologiquement. Il y a quelques semaines, à la fin d'une séance, il évoquait avec légèreté une vidéo célèbre en Argentine sur Maradona. Un classique qui fait tous les zappings de son Pays depuis deux décennies. Mais que les joueurs de l'OM avaient bien du mal à visualiser. Même Ocampos, né à Quilmes mais en 1994. Alors ils l'ont tous regardé poliment, l'ont accompagné dans son rire, mais ils n'y étaient pas au fond d'eux. Un peu comme sur le terrain lors des derniers matchs alors que, ironie de l'histoire, l'AS Monaco de Jardim s'est pendant ce temps-là installée sur le podium.