"Tapi dans l'ombre..." Une accroche de phrase typique des documentaires animaliers, notamment lorsqu'il s'agit de parler de guépards ou toute autre bestiole qu'il vaut mieux éviter de croiser dans la savane africaine. Cette phrase, on aurait pu l'utiliser à propos de Vincent Labrune, lorsque le jeune collaborateur de Jean-Luc Delarue tournait autour de Robert Louis-Dreyfus, présenté par Louis Acaries, un ami commun. Ni une ni deux, l'Orléanais est adopté, et devient le communicant du milliardaire. Il aime le foot ? Qu'à cela ne tienne, il est nommé en 2008 président du conseil de surveillance de l'OM, un poste idéal pour celui qui continue de rester dans l'ombre. Il lui permettra de déboulonner écrou par écrou la statue Pape Diouf, sans pour autant "poser son cul dans le fauteuil", comme le lui proposera ce dernier lors de son départ forcé. En tout cas, pas tout de suite.
Le fauteuil, il l'offre à un autre homme de média, Jean-Claude Dassier, tout en continuant de tirer les ficelles de la marionnette OM. Il faut dire que celui qui aime l'ombre n'aime pas, paradoxalement, qu'on lui en fasse, et c'est précisément ce que va faire le veinard Dassier, avec son doublé coupe - championnat dès sa première année de mandat. Il n'y en aura pas d'autres. Exit Dassier, exit l'ombre, que la lumière soit ! Le discret Vincent devient "Vince", et n'a plus qu'à se baisser pour ramasser la gloire qu'il mérite puisque le titre, c'est lui, et personne d'autre. Ce n'est même pas Deschamps, qu'il prolongera avant de le promener au gré de son incapacité à trancher, et de le laisser partir de lui-même, dans un fracas que seul l'OM est capable de produire.
Dans l'urgence d'une intersaison 2012-2013 chaotique, il nomme Élie Baup et sa casquette. Un duo inattendu qui fera mieux que se défendre, avec une deuxième place miraculeuse compte tenu du jeu développé, mais qui inspirera à "Vince" une sortie hasardeuse : l'OM vient de réaliser "l'un des plus grands exploits de son histoire depuis la finale de Munich en 1993", rien que ça ! Le discret Labrune se dévoile, et ne se prive pas de placer "son" exploit devant celui du chanceux Dassier. Son projet est de faire de l'OM un Dortmund du sud, rien de moins, alliant révélations de jeunes joueurs et résultats haut de gamme. On n'est jamais mieux servi que par soi-même, finalement, et régulièrement, il ne manque pas d'enluminer chacune de ses célestes actions tout au long de son héroïque mandat.
Mais la parenthèse Baup se dégonfle dès la saison suivante, et le retour aux manettes de José Anigo ne suffira pas à redresser la barre. Au mois de décembre 2013, Le Phocéen propose une liste de dix noms pour remplacer Baup. Parmi eux, un certain Marcelo Bielsa, sans club après deux saisons marquantes à la tête de Bilbao. Malgré la présence de plusieurs grands noms, dont Éric Gerets, l'Argentin fait un carton dans le sondage proposé aux lecteurs. Labrune et son second Luc Laboz, qui gardent toujours un oeil affuté sur les forums et les réseaux sociaux, l'ont peut-être remarqué et gardé dans un coin de leurs têtes, car six mois plus tard, Bielsa savoure un seau de popcorns en compagnie de Manu Amoros devant un Montpellier-OM dans les tribunes de la Mosson. Le recrutement d'El Loco sera de loin sa plus grande réussite, mais causera aussi sa perte.
Pas mécontent de sa "trouvaille", Labrune semble s'effacer en offrant les clés du camion au maître à jouer. Le projet est lancé et Bielsa n'a qu'à demander. Malchance, l'Argentin le prend au mot et rédige une liste de joueurs pour renforcer l'équipe. Mais, dans le même temps, "Vince" a muté. Le foot n'a plus aucun secret pour lui, et le scout de l'OM, c'est lui ! Bielsa veut Alderweireld ? Il aura Doria. Malchance encore, en bon Sudaméricain qu'il est, le coach sait tout du marché brésilien et de la mainmise des fonds d'investissement sur les transferts de joueurs à la cote surgonflée. Doria, c'est niet, nada ! S'en suit la fameuse conférence de presse de septembre et les accusations de mensonge à l'adresse du président. Elle sonne le glas d'un Labrune qui, à partir de là, voit ses cheveux blancs se multiplier à un rythme exponentiel. Bielsa le plaque à l'ouverture de la saison suivante, et il va falloir ramer pour remonter le courant.
Ce canot de sauvetage, il va le chercher dans une nouvelle boutique au nom sympathique, mais à la réputation sulfureuse : Doyen Sports. Elle lui propose clé en main un modèle flambant neuf, prestigieux et hispanique à souhait : Michel. En l'acceptant, Labrune s'enterre sans le savoir une deuxième fois. Le nom est rutilant, mais le recrutement qui l'accompagne ne l'est pas.Malheureusement pour lui, personne n'est dupe et tout le monde voit la main du fonds d'investissement derrière ce mercato à l'incohérence rare. Un foutage de gueule qui n'échappe pas au supporters, mais qui, surtout, se voit sanctionné immédiatement par la logique sportive. Celui qui s'appelait @MichelFootball sur son compte Twitter retire rapidement le mot football, et le football, lui, se retire définitivement du projet sportif. Les résultats sont à l'avenant, et l'OM joue le maintien pour la première fois depuis quinze ans.
Rideau ! Margarita Louis-Dreyfus prend la grêle en même temps que celui qu'elle protège depuis des années, et son brushing ne le supporte plus. Elle succombe à la pression des supporters et se décide enfin à vendre la maison. L'homme de confiance reste tout de même le temps de vendre les meubles, remboursant ainsi les nombreux comblages de trous versés par la patronne au fil des saisons, puis disparaît de l'organigramme lundi dernier avant de quitter la présidence d'Eric Soccer ce jeudi. Reste à signer l'acte de vente de l'OM. Ce sera sans lui. "Vince", l'incompris des "abrutis", n'aura pas eu la sortie qu'il imaginait.
> A voir en vidéo la compilation des plus grandes déclarations de Labrune à l'OM entre 2011 et 2016.