Puisqu'un match ne ressemble jamais à un autre, nous avons vécu Rouen-OM de l'intérieur. Récit d'une soirée mouvementée, mais heureuse.
Stade Robert-Diochon, huit jours plus tard. Cette fois, pas de gaz, pas de vent, encore moins de neige. Il fait presque doux en Haute-Normandie et l'OM va jouer un 16e de finale de Coupe de France dans un stade champêtre comme il en regorge dans les divisions qui ne regardent l'élite qu'à la télévision.
Stade, tribune de presse, infrastructures, tout est trop petit à Diochon. Pourtant, l'ambiance est bon enfant, pas d'animosité, les gens au coeur paré de rouge veulent croire en l'exploit, leur exploit, celui qu'on leur a volé vingt ans plus tôt, un penalty imaginaire - faute commise en réalité en dehors de la surface - qui a tant frustré ces diables rouges, qui naviguent maintenant en National. Oui mais voilà, Rouen n'a pas le monopole du coeur de la Vieille Dame, on l'aime aussi du côté de l'OM et peut-être plus qu'ailleurs, étant le club le plus titré dans cette compétition.
Les places à Diochon se sont vendues en quelques minutes, certains faisaient même la queue la veille au soir. L'OM, ici et partout ailleurs en France, attire toujours les supporters, adversaires - qui ont invectivés leurs homologues marseillais dans les rues rouennaises avant la rencontre - mais aussi ceux qui ont le coeur provençal, ils étaient encore nombreux à arpenter les rues adjacentes avec les couleurs phocéennes portées avec fierté. Honneur (presque) suprême, deux ministres ont fait le déplacement de Paris. Chouette, une supportrice (élue) de Marseille, et une ancienne du staff médical de Rouen, le débat, paraît-il (de source ministérielle, infaillible donc) aurait été animé dans la voiture menant ces dames à Rouen. Et Monsieur le Président alors ? Pas là, mais paraît-il, là encore, qu'il supporterait l'outsider du soir...
Pas grave, nous, on a Sylvain Wiltord à deux mètres à peine, et les flashs crépitent sur le poste commentateur d'Eurosport. Les gens, presque indisciplinés, se contorsionnent pour prendre l'une des idoles de l'Euro 2000 - 13 ans déjà - en photo, casque et bonnet vissés sur la tête. On a l'idole qu'on mérite, paraît-il (toujours). Sacré Wilou. Ceux qui sont postés à la main courante de Diochon, pleine à craquer, ne le verront pas, mais ils s'en moquent bien. Certains sont assis, d'autres debout, dans les escaliers des tribunes, pas top au niveau de la sécurité, mais l'ambiance de la coupe, c'est ça aussi.
Les deux équipes entrent sur la pelouse, photos, poignée de mains et tout le toutim. Ah, Valbuena se plaint de la main, après la petite moquerie de l'enfant de sa taille, un adversaire aurait-il eu le toupet de lui serrer un peu fort la mimine ? Non, simplement un problème d'alliance récalcitrante. On a failli oublier, l'OM joue en noir, comme en 32e au Vél contre Guingamp... Pourtant, rouges contre blancs, ça avait plus de gueule que rouges contre noirs et roses... Enfin bref, marketing, tu nous dépasses.
Revenons à nos moutons, où à nos 22 footballeurs plutôt. Baup a fait l'impasse sur son 4-2-3-1 fétiche et opte pour un 4-3-3 qui rappelle tant les années Deschamps et quelques fins de matchs inspirés de l'OM dernièrement. Seul bémol à ce schéma, le positionnement de Valbuena couloir gauche, lui qui n'aime pas les oeillères, est bridé le long de la ligne de touche. Barton allume la première mèche, l'Anglais est conspué. Pas un souci, le British en a vu tant d'autres... et même le carton de Mister Ennjimi dès la 10e minute ne le fera pas disjoncter. Mandanda, sur le premier ballon aérien dans sa surface, hésite - j'y vais, j'avance, je recule, j'y vais pas - le ballon est déjà derrière son but. Ouf. Presque angoissant notre capitaine.
Deux occasions de Valbuena plus tard, dont un coup franc sur la barre, la sécurité de l'OM s'agite sous la tribune des supporters olympiens, mise aux normes pour l'occasion. L'OM pousse, et la barre, encore elle, renvoie une tête flottante de Jordan. Bref, ça sent le traquenard à plein nez et les odeurs des déroutes contre Quevilly et Carquefou viennent nous caresser les narines.
Alors que Sougou est au sol dans la surface, l'arbitre siffle, on croit d'abord à un arrêt du jeu pour soigner le néo-marseillais, mais Monsieur Ennjimi accorde un coup franc aux Olympiens, que transforme Valbuena, avec l'aide, bien involontaire de Defourny. Faute de main ou pas, on prend !
Tout comme l'erreur d'arbitrage sur ce but accordé à Sougou. Après le penalty imaginaire en 1993, le but imaginaire de 2003, vingt ans plus tard. Éric Roy, dans une enceinte pas si lointaine - D'Ornano à Caen pour ne pas la citer - avait connu une aventure presque similaire, déjà en coupe, et l'arbitre se nommait alors Derrien, pas Ennjimi. Il paraît que cela s'équilibre sur la durée. Pas faux, finalement.
Le frisson de la réduction du score passé, Diochon ronronnera de nouveau, et revera, en vain, à un retour de son équipe chérie au tableau d'affichage. La rentrée de Najib Ammari n'y changera rien, et le rêve rouennais de faire tomber une montagne est remis à plus tard. On se donne rendez-vous dans vingt ans et on en parle à Patrick Bruel ? Ah, non, on me signale qu'il supporte le PSG, dommage (ou tant mieux, au choix).
Alors que les supporters quittent le stade, quelques irréductibles sont restés aux abords du car des joueurs marseillais, pour un autographe, une photo ou juste parfois un sourire pour les enfants. Devant l'étroitesse des lieux, les Marseillais sortent au compte-gouttes, très (trop) bien entourés, pour éviter la presse pour certains, ou pour fendre la foule pour d'autres. Vincent Labrune et José Anigo n'auront pas ce problème, ils n'avaient pas fait le déplacement, ils avaient d'autres chats à fouetter.
Place maintenant à ce double déplacement au Parc des Princes, mais ça, ça promet d'être une tout autre histoire...
SF