L'histoire de Jordan Ayew à l'OM a un goût d'inachevé. Mais parfois, il faut savoir tourner la page.
Avec le recul, c'est évident : Jordan Ayew à l'OM, ça ne pouvait pas marcher. Le fils d'Abedi Pelé a pourtant été formé au club, passant une grande partie de son enfance dans la cité phocéenne. Mais il y avait trop d'orgueil entre l'attaquant et toutes les autres composantes du club pour que ce petit monde avance main dans la main. Trop fiers pour faire le premier pas, Jordan et l'environnement olympien se séparent avec le sentiment de ne pas s'être vraiment compris. Mais au fond, pour le club comme pour le joueur, c'est le bon moment. La page peut être tournée en toute tranquilité.
Cela n'avait pourtant rien d'évident au départ. Car lorsqu'il débarque à l'OM, Jordan impressionne dans les équipes de jeunes du club. Au-dessus techniquement, il est capable de passer une rencontre balle au pied au poteau de corner à attendre que ses adversaires viennent le chercher pour leur passer des petits ponts. Une attitude arrogante qui séduit, car elle s'accompagne d'une belle réussite. Ceux qui suivent les équipes de jeunes de l'OM classent le petit frère d'André dans la catégorie des Cantona, Ibrahimovic et autre Balotelli : les génies excentriques. Ce talent, il sera capable de le montrer lors de ses premières saisons à l'OM avec Deschamps. C'est notamment grâce à lui que l'OM souffle à Lille le trophée des champions à l'été 2011. Il n'a encore que 18 ans et son profil d'attaquant rapide, technique et puissant donne envie de ne pas s'attarder sur son mauvais caractère sur le pré.
Pour la plupart de ses coéquipiers, Jordan vaut bien mieux que certains partenaires qui multiplient les courbettes et les sourires qu'une fois que les caméras tournent. Il n'a d'ailleurs jamais eu peur de s'accrocher avec ces derniers. Lui qui a signé son premier contrat pro à l'OM alors que son tuteur légal était président du club, a toujours eu du mal à supporter les hésitations des dirigeants à son encontre, capable de changer d'avis à son sujet plusieurs fois dans la même journée, surtout si l'on est en période de mercato. Là où un Gignac arrive à faire le dos rond, lui fissure et en conclut même, à l'automne 2013, qu'il lui est désormais impossible de donner le maximum dans ce club.
En janvier dernier, il est prêté à Sochaux. Une décision qui fait perdre de l'argent à l'OM et au joueur. Mais à la fin, tout le monde est gagnant. Sa bonne deuxième partie de saison lui permet aujourd'hui de signer à Lorient. Un choix intelligent. Car si Christian Gourcuff n'est plus là, le club morbihanais devrait continuer à évoluer avec deux pointes. Comme dans le Doubs, Jordan pourra donc jouer dans un système où il est le plus performant. Les dirigeants phocéens n'ont, de leur côté, aucun regret à avoir. Ca n'a pas toujours été le cas. Longtemps, l'idée de le voir cartonner ailleurs a poussé les dirigeants à le garder, au cas où. Mais aujourd'hui, le mystère autour de son potentiel est moindre. Si Jordan est capable de briller en Ligue 1, la marche pour être titulaire à l'OM , lorsqu'il va falloir se battre dans un système à une pointe et marquer de temps en temps des buts tout seul, est peut-être trop haute.
Alors qu'il ne lui restait qu'un an de contrat, les dirigeants s'en séparent en obtenant un joli chèque. Il faut revenir au transfert de Loïc Rémy à QPR il y a 18 mois pour trouver plus grosse vente de la part de la formation phocéenne. Un Rémy dont le récent transfert avorté à Liverpool montre que l'OM n'avait pas été le dindon de la farce au moment de s'en séparer, comme Harry Redknapp avait pu le déclarer, ou comme certains le suggérait au sujet de Ben Arfa, dès que celui-ci arrivait à réussir un passement de jambes. Parfois, il faut savoir passer à autre chose.