S'il a reconnu une très mauvaise campagne en Ligue Europa - comment dire le contraire ? - Rudi Garcia nous a encore gratifiés d'une sortie un peu lunaire au sortir de la défaite face à Limassol (1-3). En gros, le coach olympien a, une nouvelle fois, chargé l'arbitrage : "on ne peut pas occulter le fait qu'on ait joué à dix de manière injuste au bout de la 5e minute... Ne pas dire ça, c'est ne pas être objectif". Bien sûr, l'expulsion du jeune défenseur marseillais est injuste, mais il y avait certainement mieux à dire sur ce nouveau camouflet que ça. Ce décalage entre la réalité perçue de l'extérieur et les explications parfois fumeuses du coach olympien commence à faire débat, et en creusant un peu, on s'aperçoit qu'il n'en est pas à son coup d'essai.
Effectivement, caché derrière ses nombreuses qualités, on trouve chez Garcia cette tendance à se dédouaner avec une facilité déconcertante. Un phénomène qu'ont bien connu les journalistes lillois à l'époque où il exerçait au LOSC. Car s'il a réalisé un immense exploit en conduisant le club nordiste au doublé coupe-championnat en 2011, Rudi Garcia a aussi affiché ce côté décalé qu'on découvre aujourd'hui à l'OM. C'est ce qu'explique au Phocéen le journaliste de La Voix du Nord Sébastien Noé : "On note des similitudes, effectivement. Il a cette capacité à être en dehors des réalités lorsque ça ne va pas bien. Je me souviens d'un match de Champions League perdu face au Bayern à Lille où le LOSC n'avait pas existé. Il nous avait expliqué qu'on n'avait pas vu le même match, que son équipe avait largement rivalisé avec les Allemands et qu'on allait le voir au match retour. Finalement, Lille en a pris six (6-1) à Munich. Je ne sais s'il le fait volontairement ou s'il s'agit d'un mécanisme de défense, mais lorsque les résultats ne sont pas là, il est capable de réactions complètement à côté de la plaque. Je remarque que c'est un peu ce qui se produit en ce moment à Marseille".
C'est le moins qu'on puisse dire, et c'est d'autant plus étonnant que Rudi Garcia est clairement intelligent, parfois même brillant. Du coup, on a du mal à se dire qu'il pense vraiment ce qu'il affirme en conférence de presse. Que ce soit vis-à-vis des arbitres ou de ses joueurs, qu'il n'hésite pas à charger. Pour Sébastien Noé, il s'agit clairement d'une tactique d'autodéfense en cas de tempête : "Je ne me souviens pas l'avoir entendu dire qu'une défaite était pour lui. C'est pour moi une question d'égo, mais aussi et surtout une protection contractuelle. Il fait très attention à son image et à sa carrière, et il ne laissera jamais une brèche à ses dirigeants en reconnaissant une erreur ou une responsabilité dans un échec. Charger ses joueurs est clairement une de ses techniques de management, en étant père protecteur et père Fouettard dans la même personnalité. Il va toujours protéger ses cadres pour les mettre dans les meilleures dispositions, mais n'hésitera pas à charger les autres. Il est comme ça, mais ça peut aussi porter ses fruits. On l'a vu chez nous, mais aussi à Marseille la saison dernière".
Dommage, car le Garcia que l'on a connu lors de ses premiers mois à l'OM semblait au-dessus de la mêlée. C'était même un bol d'air frais, avec ses conférences de presse aux antipodes du traditionnel bouillon de langue de bois servi par la plupart de ses confrères. Là encore, on note cette dualité qui s'affirme dans les mauvais moments. "Au départ, il est très fort en opération séduction, confirme Sébastien Noé. Il tutoie facilement, il te prend à part après l'entraînement pour te donner une info. Mais, dès que les vents sont contraires et que les critiques arrivent, il se referme, comme lors de son vrai-faux licenciement à la fin de sa première saison (il avait été limogé par le directeur général du LOSC, avant d'être rattrapé par la manche par le président Seydoux). Les relations avec les journalistes ont très vite été compliquées, mais il faisait le boulot en conférence de presse". Avec ce weekend sans match qui arrive, Rudi Garcia aura l'occasion de laisser retomber un peu la pression et de revoir, peut-être, sa copie. En tant que capitaine de navire, ce sera même une obligation afin de sauver ce qui peut encore l'être, comme la situation de l'OM en championnat par exemple...