Didier Deschamps a eu le nez creux, quand fin janvier, il décida de retenir Jordan Ayew, sur le point d'être prêté à Reims en Ligue 2. Coach DD savait que tôt ou tard, il aurait besoin du jeune Ghanéen (19 ans). Mais il ne pensait certainement pas que "Jo" allait devenir un titulaire en puissance, dans cette fin de saison marquée par le départ précipité de Brandao et la méforme de Gignac.
"Oui, heureusement qu'il est là !" acquiesce Deschamps, qui reste cependant prudent avec le dernier fils d'Abedi Pelé : "Je vais vous calmer (les médias), doucement avec Jordan, c'est un jeune joueur, il a des étapes à franchir" martèle-t-il. Coach DD rappelle ainsi souvent que celui qui est arrivé à l'OM à l'âge de 14 ans jouait encore la saison dernière avec l'équipe réserve descendue en DH.
Il faut dire que tout s'est enchaîné ces derniers mois pour Jordan. Une première titularisation en Ligue 1 à Monaco le 30 janvier ("Un rêve" dixit le joueur), des larmes à Rennes après sa passe décisive pour Lucho, son premier but au Vélodrome face à Nice sur un centre de son frère, et bientôt un nouveau contrat ! "On va le prolonger bien sûr !" s'est exclamé Jean-Claude Dassier mardi dans L'Equipe. Sous contrat jusqu'en 2012 (il avait signé à l'été 2009 son premier contrat pro), Jordan devrait être prolongé de trois années supplémentaires. Histoire de s'assurer sa présence dans les années à venir et de le récompenser pour sa saison.
Car sa réussite actuelle est le fruit d'un dur labeur. "Ça me fait plaisir pour lui, car il passe beaucoup de temps à travailler à l'entraînement, dans le travail spécifique devant le but, dans les enchaînements" note Deschamps. Derrière son image de garçon caractériel, Jordan est un vrai bosseur. Cela est clairement une marque de fabrique chez les Ayew. Combien de fois on l'a vu se faire reprendre par Deschamps ou Stéphan lors des séances d'entraînement au centre RLD. Jordan a encaissé, a travaillé et a progressé à vitesse grand V.
"C'est quelqu'un de respectueux qui écoute les conseils des anciens" remarque Benoît Cheyrou qui le côtoie aux entraînements depuis près de deux ans. Pour Charles Kaboré, qui se plait à l'appeler "le petit", Jordan ira loin : "Avec le talent qu'il a, il ne peut que progresser, on peut compter sur lui dans les années à venir" souri le Burkinabé. On se rappelle des propos de son père qui a toujours dit que Jordan à son âge était encore plus fort que son frère André.
Et en plus de son talent indéniable, Jordan possède une autre arme : la rage de réussir. "C'est un bagarreur, confie Rod Fanni. Il a cette rage sur tous les ballons, il ne lâche vraiment rien, ça pousse les défenseurs à faire des erreurs. C'est ce qui fait sa force." Comme tout talent brut, la pierre a d'abord besoin d'être polie. L'impulsif Jordan sait par exemple qu'il doit mieux contrôler ses montées de colère, lui qui s'emporte facilement et ne sourit que rarement en public. Il n'y a qu'à voir la boule de nerf qu'était devenu le numéro 15 de l'OM quelques minutes après son entrée à Gerland il y a deux semaines. Chauffé par un Anthony Réveillère surement vexé d'avoir pris un petit pont sur le centre décisif du Ghanéen pour Lucho, Jordan avait été calmé par son frère.
Comme souvent, André joue les grands frères protecteurs, que ce soit sur et en dehors du terrain. Sa présence est fondamentale dans la réussite de Jordan. "Petit à petit, il est en train de montrer ce qu'il vaut, car il en a l'opportunité" commente André. Mais il ne faut pas non plus trop en faire, lui mettre trop de pression. Quand j'entends dire que ça y est Jordan, c'est l'attaquant de pointe de l'OM, non, il a 19 ans, il n'est pas là pour marquer 25 buts. Ce qu'il fait en ce moment, franchement, c'est très bien, je suis content pour lui, mais je lui dis qu'il faut qu'il continue à travailler et rester constant jusqu'au bout de la saison". C'est le défi de Jordan, avant de penser à la saison prochaine...
R.C.