Lors de la présentation officielle, il a descendu les marches de la tribune Jean-Bouin en même temps que certains joueurs, que le nouvel état-major olympien et que les responsables des groupes de supporters. Mais il n'était pas possible pour autant de le manquer : pour la photo de classe, Jean-Philippe Durand avait sorti le costume et la chemise blanche. La ligne toujours impeccable, il semblait tout droit sorti d'un film de Quentin Tarantino. Presque de quoi croire que le bonhomme a changé totalement de mentalité, pour occuper un espace laissé vide depuis quelques jours au club dans le domaine du "show-off". Mais ce n'est qu'une question d'apparence. Ne comptez pas sur lui pour s'épancher dans la presse ou pour parler fort à ses interlocuteurs en leur tapant sur l'épaule. En fait, Durand était déjà comme ça lorsqu'il était joueur à l'OM, dans les années 90 : perçu notamment comme le playboy de l'équipe avec Di Meco par la gent féminine, qualifié de joueur un peu intello par ceux qui le côtoyaient à l'intérieur du club. Avec Boli, cela fait donc deux glorieux anciens dans l'organigramme. Celui au départ et celui à la conclusion d'un des plus beaux buts de l'histoire de l'OM, quelques jours après la finale de Munich de 1993, pour une victoire d'anthologie contre le PSG (3-1) qui offre alors à l'équipe marseillaise son cinquième titre de champion de France consécutif. Mais pour Durand, ce n'est pas un retour, cela va faire 20 ans qu'il est dans le staff.
Il y a pour autant du changement. Passé d'abord par le service de la communication, du marketing, même une fois pour dépanner sur le banc de touche, il a ensuite intégré la cellule de recrutement du club. Un job pas loin d'être considéré au fil du temps comme un emploi fictif par le grand public tant le recrutement de l'OM se faisait plus grâce aux réseaux des agents proches de la direction sportive. Pourtant, l'ancien milieu de terrain ne lâche pas, continue de voir des matchs et des joueurs par centaines. "On s'est connu en tant que joueur, donc quand on se croise, on échange, nous explique le recruteur en France d'un très grand club anglais. Et honnêtement, je trouve que c'est l'un des meilleurs. Il se trompe rarement, et surtout, il pense vraiment à tous les paramètres. La différence, elle doit peut-être se faire au niveau de sa hiérarchie. Il y a quelques années, mon entraîneur avait besoin d'un défenseur central. Il m'a appelé un après-midi pour m'en parler, je lui ai fait suivre une liste de noms avec des vidéos correspondantes. Il m'a rappelé en début de soirée pour me dire ce qu'il en pensait. Je ne suis pas sûr que ça se passait comme ça à Marseille". Mais ça, c'était donc avant. Dès son intronisation, Gunter Jacob, le nouveau directeur sportif le met en avant, comme vous pouvez le voir dans la vidéo, misant sur son entente avec Franck Passi. Avant de travailler dans la même cellule de recrutement, les deux hommes ont joué ensemble à Toulouse.
"Avec moins d'argent, le club va devoir être plus créatif" explique le nouvel homme fort belge. Ce qui veut dire en finir avec des campagnes de recrutement où l'on promet au président de Valenciennes de lui prendre un joueur avant son passage devant la DNCG parce que c'est un type bien, où l'on recrute un espoir de Lorient 5 millions d'euros parce que son président appelle dans les derniers jours du mercato en disant qu'il a un problème pour boucler son budget. Les fameuses fiches de Jean-Philippe Durand servent enfin, même si le deal Florian Thauvin rappelle qu'il n'a pas non plus toute la main sur le recrutement. Il n'empêche, pour la première fois depuis longtemps, la campagne de l'OM ressemble à celle d'un club professionnel. Certains coups ne pouvaient ainsi pas être deviner par n'importe quel supporter. Tomas Hubocan et Hiroki Sakai sont recrutés au moment où ils coûtent le moins cher, lorsque leurs clubs sont relégués, en Allemagne et en Russie. Saîf-Eddine Khaoui est enrôlé alors qu'il n'a même pas une saison de Ligue 2 dans les pattes. De quoi éviter la surenchère des clubs anglais. "En temps normal, c'est ce type de coup qui te fait réaliser un super recrutement quand tu dois reconstruire une équipe, analyse un agent qui a l'habitude de traiter avec l'OM. Parce que tu dépenses peu sur des joueurs qui peuvent être titulaires, et ça te permet derrière de mettre une grosse somme sur un top player qui te bonifie le tout". Un peu comme quand il y a dix ans, Pape Diouf faisait venir Oruma, Lamouchi, Ribéry, Civelli ou encore César pour presque rien, concentrant son budget transfert sur Mamadou Niang et Lorik Cana. Le problème cette année, c'est que l'argent récolté sur le marché ne devrait pas être réinvesti. Il va falloir être inventif jusqu'au bout. Mieux utiliser ce qu'il y a déjà sur place, également. Il y a deux ans, Vincent Labrune s'était également basé sur les rapports de Jean-Philippe Durand pour foncer sur le dossier Doria. Le recruteur avait une très bonne opinion du défenseur brésilien. "Ce n'est pas le seul, Florian Maurice le trouvait également très bon, et si vous vous souvenez bien, Lyon voulait le faire juste avant Marseille" nous glisse un habitué des tribunes de scouts. S'il s'impose enfin à l'OM, Durand pourra serrer le poing. Mais il ne paradera pas pour autant, malgré le costume.