Août 2013. Pour la première journée de championnat, l'OM se déplace à Guingamp. L'occasion pour Steve Mandanda d'enfiler sa nouvelle tunique de gardien. Il y a bien le logo de l'OM, les sponsors, son numéro 30, mais voilà, elle est verte. Du coup, pour le premier match à domicile la semaine suivante, une banderole lui est adressée dans la partie basse du virage sud, chez les Ultras, lui rappelant que c'est la couleur de l'ennemi historique, Saint-Etienne. Dans un sourire à la fin de la rencontre, le capitaine assure qu'on ne l'y reprendra plus. Fin de l'histoire. Avec Bafétimbi Gomis ce dimanche, cela a fait plus de vagues.
L'attaquant a vu trois groupes de supporters (Fanatics, MTP, Ultras) lui adresser des banderoles hostiles et des "Gomis casse-toi' avant le match, avant le coup d'envoi de la seconde période et, plus dispersés, à sa sortie du terrain, après son but. Pourtant, avec une jolie réalisation à dix minutes du terme de la rencontre, l'attaquant avait apporté, ce qu'on a coutume d'appeler dans le football, "la meilleure des réponses". Mais la polémique n'est en fait pas près de s'arrêter puisque dans la foulée, l'intéressé a annoncé vouloir rencontrer les chefs de groupe pour dissiper le malentendu. Et alors que la plupart des protagonistes refusaient de se prononcer sur le sujet, peut-être par peur de se mettre soit le joueur, soit les supporters à dos, le président de l'OM Jacques-Henri Eyraud a tranché : "J'ai vu des banderoles qui m'ont beaucoup déçu. Il n'y a pas de place pour des mots comme ça au Vélodrome. Je m'expliquerai avec les supporters qui ont cru bon de montrer ses banderoles. On doit être solidaire avec un joueur en difficulté". Forcément, parce que c'est son premier "coup de gueule" public, l'intervention de JHE donne une autre ampleur à l'histoire. Pour autant, le soufflé va logiquement retomber dans les jours à venir et ça n'en sera que mieux. Les positions vont se rapprocher et tout va rentrer dans l'ordre.
Si l'on va plus loin, il y en a un qui a de fortes chances d'en sortir grandi. Contre toute attente, il ne s'agit pas de Gomis mais du président. Même les supporters visés par ses propos ne peuvent qu'approuver sa méthode. Il assume pleinement sa fonction en prenant publiquement une position tranchée. Et il assure derrière qu'il s'expliquera avec les intéressés. Sa ligne reste cohérente, les supporters sont importants à ses yeux, mais il n'acceptera pas pour autant n'importe quoi. Forcément, il y en a certains pour dire que l'homme de confiance de McCourt mésestime l'histoire de l'OM, qu'il ne connaît finalement pas si bien le club que ça. Mais même ces irréductibles en conviendront : avec ce que proposait son prédécesseur, c'est le jour et la nuit ! Que se serait-il passé avec les mêmes faits qui se déroulent un an plus tôt ? Des conversations en off avec les journalistes pour orienter les articles contre les supporters, voire une intervention sur un air de "laissez-nous bosser" pour expliquer que "cela s'apparente à un complot, une machination pour déstabiliser la direction de l'OM". Rien que d'y penser, cela fait encore plus apprécier la démarche claire de Jacques-Henri Eyraud, que l'on soit d'accord avec lui dans le fond ou pas.
Car il est encore possible de comprendre ou de condamner Bafétimbi Gomis tout en ne remettant pas sa foi de supporter phocéen en cause. D'où part l'incendie ? De déclarations de Bafétimbi Gomis mercredi dernier, après ASSE-OM, face à des journalistes qui l'ont vu grandir et à qui il a assuré ne jamais avoir oublié son club formateur avec une formule "vert un jour, vert toujours". Comme il a précisé par la suite sur Twitter, Saint-Etienne, c'est aussi un club qui s'est occupé de son père lorsqu'il était malade. Est-ce que ceux qui l'ont sifflé auraient préféré qu'il refuse de signer à l'OM à l'intersaison pour cette raison, alors qu'il s'est engagé rapidement sans savoir à quoi ressemblerait l'effectif ? Le pire, ce sont peut-être les sifflets à l'encontre de Gomis avant le début de la seconde période. Le score était alors de 0-0 face à une défense de Nancy qui sait bétonner. Ce n'était peut-être pas le moment de chahuter celui qui reste, malgré tout, une des principales chances pour l'équipe de marquer. Mais cet agacement avec Gomis peut se comprendre. C'est un journaliste de L'Equipe qui résumait bien cela en un tweet.
L'histoire de ses rivalités contribue aussi au charme du foot. Et à force de vouloir séduire tout le monde, on ne plaît à personne... #Gomis
— Bilel Ghazi (@BilelGhazi) 4 décembre 2016
Car il ne faut pas non plus jouer les vierges effarouchées. Ce club de Saint-Etienne qu'il aime tant, il l'a un jour quitté pour signer à Lyon. Son amour des Verts n'est publiquement ressorti que pour sa dernière saison entre Rhône et Saône, quand il était en conflit avec Jean-Michel Aulas et qu'il remettait des cravates vertes sur Instagram pour semer le doute. A ce même moment où il avait démontré qu'il savait parfaitement se servir des médias et des journalistes influents. Une maladresse face caméras et micros se pardonne donc plus facilement avec un jeune élément ou un écorché vif qui s'efforce de rester loin du circuit médiatique. Mais pas avec Bafétimbi Gomis, qui a toujours su ce qu'il fallait dire et pas dire. Alors oui, il a le maillot olympien, et rien que pour ça, il mérite d'être soutenu car en plus il ne triche pas sur le terrain. Mais il ne faut surtout pas être dupe.