Eyraud est-il toujours l'homme de la situation ?
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 18/05/2019 à 07:00
Cette saison, l'OM devait retrouver la Ligue des champions après cinq ans d'absence. C'était prévu dans le tableau de marche du nouveau propriétaire, Frank McCourt. Une première année terminée à la cinquième place, une deuxième à la quatrième et donc là, pour le troisième exercice, cela devait être podium. Las, l'OM va boucler une saison pénible de bout en bout, comme presque seul le club phocéen sait les produire : à onze points du podium à deux journées de la fin du championnat, mais en ayant également terminé dernier de sa poule en Europa League derrière les Apollons de Limassol et sorti de la coupe de France par une équipe de National 2. Un tableau noir et des nuages qui ne sont pas prêts de s'effacer lorsqu'on scrute l'avenir et l'intersaison qui se présente : les 200 millions promis par le propriétaire ont normalement été déjà dépensés, le vestiaire a pourtant besoin d'un sacré coup de lifting tant son ambiance est morose alors que l'effectif n'est lui pas du tout équilibré. Comme souvent dans ces moments-là, il y a fort à parier que ce sont ceux qu'on veut voir rester qui vont devoir partir pour renflouer les caisses alors que les indésirables, eux, seront encore là pour jouer à la bonne paye... Une situation qui doit beaucoup à Rudi Garcia, l'entraîneur, pour qui la messe semble déjà dite, il faut juste attendre les coups de la cloche. Mais est-il le seul responsable ? Jacques-Henri Eyraud, le président, devrait survivre à cet échec. Selon certaines indiscrétions, la tendance serait plus à une confirmation de poste par Frank McCourt. Mais Eyraud peut-il se relever de cette saison ? Quelle est sa part de responsabilité dans cette situation sportive délicate alors qu'il ne récolte que des louanges pour le reste ? Peut-il rester en poste et incarner le second souffle de l'ère McCourt avec autant de banderoles hostiles dans les virages ? Il semble traîner deux boulets aux pieds, dont il va être difficile de se débarrasser.
Une communication déroutante
C'est peu dire que la communication de Jacques-Henri Eyraud ne passe pas auprès des supporters de l'OM. Les relations avec les groupes de supporters sont très délicates. Remarque, cela vaut pour quasiment tous ses prédécesseurs. Evidemment, ce n'est pas évident d'être celui qui fera stopper les fumigènes dans l'enceinte du boulevard Michelet. Mais quand il n'y a pas les formes, c'est encore plus difficile de lutter. Alors, c'est vrai qu'il a de quoi être marqué par certains épisodes. Au début de son mandat, il paie aux supporters de l'OM qui se sont déplacés à Dijon l'hôtel, car la rencontre est reportée au lendemain. L'établissement sera rendu avec des dégradations dans de nombreuses chambres. Le "spectacle" avant la finale de l'Europa League, qui vaudra un match à huis clos contre Francfort, peut également amener à se demander quel est leur but, leur guerre, leur motivation première. Mais quand même, quand on est président de l'OM, ne faut-il pas, même pour la forme, tenter de défendre la cause de ses supporters auprès de la Ligue de Football Professionnel ? Pour son début à la tête du club, il avait pourtant réussi à se mettre tout le monde dans la poche. Par ses annonces et ses actes. Une liste noire des agents avec qui le club ne souhaitait plus collaborer par exemple. Si certaines personnes peu recommandables ne semblent plus graviter autour du club, si la manie de faire des transferts "pour faire des transferts" a disparu, on a peut-être basculé dans l'autre versant : certains achats que l'on peut qualifier de naïfs, comme un Grégory Sertic à qui il ne restait que six mois de contrat à Bordeaux et la maigre concurrence d'un club de MLS ou encore Nemanja Radonjic, alors qu'aucun joueur de Serbie n'avait été transféré pour plus de six millions d'euros sur les deux dernières saisons. Revendiquant le fait que l'OM est une entreprise comme une autre, Eyraud voit certaines déclarations lui revenir comme un boomerang lorsque la machine ne tourne plus. C'est le jeu. Il avait taquiné les supporters phocéens pour son deuxième mercato, en leur proposant de la tisane. Pourquoi pas, on a le droit d'être caustique et novateur. Mais il faut que ce soit suivi d'acte. En l'occurrence, c'était en début de mercato. Un grand avant-centre était attendu, Bafé Gomis et ses envies d'augmentation avaient été mises en veilleuse en ce sens. C'est finalement Kostas Mitroglou qui a débarqué, un avant-centre peut-être trop porté sur les produits Lipton et 1336 tant il a mis peu d'entrain à Marseille à se transcender, à s'intégrer au vestiaire ou tout simplement à s'échauffer correctement. Forcément le clin d'oeil ne fait plus rire. Eyraud ne s'y est plus aventuré. Pour éviter ça, il communique moins et rentre ainsi dans un cercle vicieux. Les supporters l'attendent parfois pour monter au créneau, défendre l'équipe. Du coup, chacune de ses apparitions est décortiquée. Son expression "première mi-temps exceptionnelle" après la défaite contre le PSG a beau n'être prononcée qu'une fois, elle tourne pendant des mois, permettant de s'interroger sur son niveau d'exigence. Dans le même ordre d'idée, une apparition au sommet des Start-ups est forcément épiée comme s'il allait faire une annonce fracassante sur le club. Alors évoquer "des buts qui valent deux points pour un tir de loin", c'est tout sauf une bonne idée, même dans un contexte qui s'y prête car cela en sera forcément sorti par des gens qui se disent finalement que le président de l'OM préfère parler business que football. Sa formule "dire c'est faire rire, faire c'est faire taire", sa première vraie punchline, a du mal à coller à sa situation actuelle. Comment évoquer un projet plus jeune désormais alors que les résultats du centre de formation ne sont pas probants, que l'exemple Radonjic prouve qu'il n'y a peut-être pas les compétences au club pour recruter des futurs cracks et que, aussi, l'entraîneur en poste a préféré toute la saison avoir Tomas Hubocan en doublure à gauche plutôt qu'un jeune du centre ? On en vient au deuxième boulet, Rudi Garcia.
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Une prolongation de Rudi Garcia qui interpelle
Sur le papier, c'était une formidable opportunité de montrer que oui, en appliquant des principes de l'entreprise, on peut réussir dans le football. En prolongeant Rudi Garcia en pleine saison, malgré un démarrage inquiétant et une défaite à domicile contre la Lazio qui sortait quasiment l'OM de la coupe d'Europe, Eyraud voulait envoyer un signal : le club n'était pas géré à la petite semaine, en fonction d'une victoire ou d'une défaite. Et surtout, les joueurs n'allaient pas pouvoir lâcher en se disant que le coach ne serait bientôt plus en poste. Encore un signal fort qui n'a pas été suivi d'effets. Le club a plongé dans la foulée avec deux défaites en Ligue 1 (contre Paris et à Montpellier) qui ont définitivement éloigné le podium. Si Eyraud n'a sûrement pas rédigé le contrat seul, et si une clause de résultat habilement insérée peut permettre au propriétaire de s'en tirer à moindres frais, la gestion du cas Garcia interpelle, au-delà des indemnités de licenciement qui seront versées. Pourquoi lui avoir donné autant de pouvoir ? Pourquoi lui avoir laissé recruter une nouvelle personne dans son staff l'été dernier ? Pourquoi ne pas avoir à un moment fait contrepoids en écoutant les cinq personnes qui travaillent à la cellule de recrutement pour pas grand-chose ? Aujourd'hui, même si Garcia s'en va, ce qu'il a mis en place va rester, à savoir cet effectif et cette masse salariale imposante. C'est parce qu'il n'avait pas réussi à la contrôler, donnant de trop gros salaires à des joueurs de rotation, que Jean-Claude Dassier avait dû quitter son poste. Comment Jacques-Henri Eyraud va-t-il composer cette fois-ci ? Et avec Mario Balotelli ? Un dossier dans lequel il avait été ferme l'été dernier, ne voulant pas céder à la surenchère, avant d'être plus pragmatique au mois de janvier. En le faisant venir à la Commanderie au début du mois de juillet, il avait pourtant stimulé l'attente des fans, car oui, forcément, cela allait se savoir. Mais pour ce sujet, comme pour d'autres, il n'y a pas vraiment eu de mea culpa, de remise en question.
Pas tout à jeter pour autant
Il ne faut pas pour autant croire que n'importe qui peut faire mieux qu'Eyraud. Loin de là. Le président délégué a géré de main de maître les négociations avec la Mairie, que ce soit pour récupérer l'exploitation exclusive du Stade Vélodrome, dont l'effet devrait se faire sentir sur les prochains budgets du club, mais aussi l'optimisation de l'espace du stade Paul Le Cesne, transformé en un "OM Campus" flambant. Au niveau de la formation, le projet avec les clubs locaux devrait là aussi apporter de beaux fruits au club dans quelques années. Alors que le folklore était encore de mise dans certains domaines de l'entreprise, c'est sous son impulsion que la marque a été pensé à l'international. Cela ne semble pas non plus être sous sa présidence que le club risque de refaire les titres de la presse côté faits divers, avec des visites à l'Evéché et un sacré mélange des genres en ce qui concerne l'environnement proche. Surtout, il ne faudrait pas oublier que s'il se retrouve sur le banc des accusés aujourd'hui, vu son poste et les responsabilités qui en incombent, il doit être salué pour les points positifs du bilan McCourt. Pour sa deuxième année à ce poste, l'équipe se retrouve en finale d'une coupe d'Europe, ce qui n'était pas arrivé depuis 14 ans à une formation française. L'honnêteté pousse à dire qu'il ne peut pas aujourd'hui être jugé responsable, mais hors du coup et du domaine sportif l'an passé. Un coup d'oeil sur transfermarkt permet également de voir que la valeur de l'effectif avant son arrivée et aujourd'hui a pris plus de 200 millions. Preuve que l'argent dans les transferts n'a pas été si mal investit dans l'ensemble, que le projet global fait sens. Enfin, sa communication peu conventionnelle a aussi des avantages. Quel autre président est venu répondre directement aux supporters sur le plateau du Talk Show dans l'exercice de ses fonctions ? L'invitation est lancée pour qu'il vienne à nouveau, peut-être pour cette fois-ci plus dans un exercice de justification, c'est vrai. Il n'est pas interdit d'apprendre de ses erreurs, à condition de les reconnaître. Mais là encore, il s'agira d'annonces, et il faudra, comme d'habitude, que cela soit suivi de faits pour remonter la pente.