"Les messagers du vent" est le nom donné par John Woo aux indiens Navajos dans un film hommage sorti en 2002. Cette tribue avait une langue propre et donc indéchiffrable par l'ennemi. Les Américains les ont donc recruté pour effectuer leur communication radio sur les îles japonaises lors de la seconde guerre mondiale. Les messagers du vent, cela pourrait aussi convenir parfaitement à Vincent Labrune et André Ayew pour évoquer leur communication ces derniers mois, ces dernières années. Les échanges entre le président de l'OM et l'un des cadres du vestiaire n'ont cessé sur le sujet de la prolongation. Une véritable partie de ballon prisonnier. Chacun se renvoie la balle en faisant bien attention de ne pas être touché sur le retour suivant.
Il y a quelques jours, se confiant à un journaliste britannique, Vincent Labrune a expliqué que l'OM ne pouvait pas s'aligner sur les propositions britanniques qui allaient être faites à celui qui porte le numéro 10. Rien de neuf sous le soleil. Mais cette déclaration, c'est un peu la dernière bougie du cierge posé à Notre-Dame de la Garde par les supporters qui s'éteint. Parce qu'en février dernier, face au mouvement #ProlongationDuSoldatAyew créé par les fans marseillais, Labrune avait laissé filtrer via ses relais habituels dans la presse qu'il envisageait de proposer au Ghanéen un rallongement de bail annexé à la qualification en Ligue des champions. Mais alors que l'espoir de finir troisième n'est pas totalement évaporé, ce n'est plus d'actualité. Preuve s'il en est que ça ne l'a jamais été. Il aurait de toute façon était très simple d'intégrer un avenant dans son contrat. C'est simple, ça s'appelle une option, et cela existait même avant l'arrêt Bosman. Mais ce n'était pas du tout dans les plans des deux parties. Qui sont sur la même longueur d'onde depuis déjà deux ans.
A l'époque, l'OM va finir à la seconde place du championnat, grâce notamment à André Ayew, dans un rôle très ingrat sur le côté gauche où Baup lui demande de travailler énormément. Vincent Labrune, qui ne s'est pas réveillé au dernier moment, savait très bien qu'il ne pourrait jamais prolonger un joueur, qu'il a augmenté massivement 18 mois auparavant en se disant que le Bayern ou Arsenal allait venir le ramasser contre un gros chèque. Mais personne n'est venu. Alors en mai 2013, Labrune est donc allé trouver Ayew pour parler transfert. Le club ne s'opposera pas au départ du joueur, qui a de toute façon envie de connaître autre chose. Mais de grâce, qu'il laisse le club y trouver son compte financièrement, qu'il n'envoie pas les négociations valser en faisant le forcing. Ce n'est de toute façon pas dans la mentalité du joueur qui voit une offre arriver de Newcastle... l'avant-dernier jour du mercato. Sur le moment, l'homme de Margarita Louis-Dreyfus est déçu, il s'attend à plus, pour un joueur qu'il qualifie alors d'élément le plus sous-coté d'Europe. Ayew ne moufte pas. Le soir même, il sort un match énorme contre Monaco au Vélodrome pour essayer de faire bouger les lignes. En vain, les Anglais ne donneront pas suite à la contre-proposition.
Ayew est donc resté. Comme cette saison, où il refuse Hull City dans les dernières heures du marché. L'OM avait pourtant déjà recruté son remplaçant, Romain Alessandrini, qui partait même titulaire puisque le staff a passé son été à préparer l'équipe en se disant que celui qui a été formé au club ne serait plus là. Ayew n'a rien dit, a bossé, a repris sa place et quittera le club libre en fin de saison. Le scénario établi il y a deux ans entre les deux hommes comprenait cette possibilité, absolument pas choquante pour les deux hommes, fins connaisseurs de rouages du football. Reste qu'il n'était pas évident de rendre un tel positionnement public auprès des supporters phocéens qui ne jurent que par la combativité d'un des rares produits du centre de formation. Alors Ayew, pour ne pas passer pour un mercenaire, multiplie les marques d'affection envers le peuple bleu et blanc et assure qu'il donne sa priorité à l'OM. Labrune promet qu'il passe une partie de ses journées à racler ses fonds de tiroir. Mais après des mois de bonnes intentions de part et d'autre, le couperet va tomber. Pour ce qui est du verdict, il faudra par contre peut-être attendre encore quelques années. Car le club olympien a eu parfois le courage de ne pas renouveler des éléments qui donnaient satisfaction pour ne pas mettre en péril la masse salariale du club (M'Bami, Bonnart, Taïwo). Sur le coup, cela pouvait sembler être une erreur mais la suite de leur carrière prouve que les dirigeants avaient eu du flair.
Quoiqu'il arrive, il restera forcément de cette histoire un goût amer pour de nombreux amoureux de l'OM, qui, s'ils ont le tort d'être un peu naïfs, auront le sentiment de s'être fait balader sur le sujet. Le risque de parler une autre langue...