Riolo sur la crise Médiapro : "Il n'y a qu'une chose à faire pour sauver l'OM"
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 18/10/2020 à 12:00
Interview avec le journaliste Daniel Riolo sur la crise du football français avec Médiapro.
Au moment d'évoquer la crise liée à Mediapro, qui refuse de payer ses échéances à la Ligue, Jacques-Henri Eyraud dans Top of the Foot sur RMC a pointé ceux qui donnent des leçons après coup. Parmi les plus virulents envers les présidents de Ligue 1 sur le sujet, Daniel Riolo ne peut être mis dans cette catégorie. Son livre "Cher Football Français", aux éditions Hugo Sport, pointait déjà toutes les incohérences de ce système avant même que la situation s'envenime. Interview avec une des figures emblématiques de l'After, très remonté après les déclarations du président de l'OM.
Daniel, quand on lit ton livre, c'est comme quand on écoute "Demain c'est loin" d'IAM. Pas de refrain, tout est débité d'une traite. Et les passages sur Mediapro sont savoureux, quand on voit ce qu'il se passe après la sortie du livre.
Daniel Riolo : "C'était un des sujets du livre mais ce n'était pas le but que je poursuivais. C'est vrai que le livre a un côté feu d'artifice. Je ne voulais pas faire de chapitres, ranger les thèmes. J'avais peur que ça parte dans tous les sens, mais l'éditeur trouvait que c'était bien cet énervement sur le football français en un seul coup. Après, c'est vrai que niveau promo je suis servi. A un moment donné, je me suis même demandé s'ils ne faisaient pas exprès. Entre la gestion pendant la crise sanitaire et là celle de Mediapro... Très honnêtement, ça fait des mois que je dis que ça ne va pas marcher, que ce soit l'offre, le contenu... mais je ne pensais pas que ça irait si vite. Je pensais que ça tiendrait un an. Je pensais que ce n'est qu'après qu'ils allaient se rendre compte qu'il n'y a pas le compte au niveau des abonnés, et que ça s'écroulerait après. Il y a quelques jours, j'ai entendu une intervention d'Eyraud désastreuse sur le sujet, qui dit que c'est trop facile de faire ce constat. Non, non, ce n'est pas trop facile monsieur. Il suffisait de faire deux calculs et on voyait bien que ça ne tenait pas la route votre affaire. Vous étiez à un poste à responsabilité, c'était à vous de le faire ce calcul. Il a participé à toutes les réunions, il était partie prenante dans toutes les décisions. Sauf qu'il est comme tous les autres présidents, à se croire plus beau qu'il ne l'est, lui et le football français".
Mais McCourt rachète l'OM en 2016 parce qu'il est convaincu par Didier Quillot à la LFP qu'il va y avoir de nouveaux droits TV à venir et que les clubs français vont toucher beaucoup plus. Eyraud était obligé de croire à cette augmentation significative non ?
D.R : "Ca c'est vrai. S'il y a un club qui a marché main dans la main avec la Ligue, c'est l'OM. Eyraud, c'est Quillot, McCourt, c'est la Ligue qui est allée le chercher. Ils ont plus vite que les autres discuté de tout ça et fantasmé sur le milliard. L'OM s'est préparé mentalement à ce qu'il y ait une très grosse augmentation, qu'il y ait de l'argent à faire. Eyraud prend la présidence de l'OM avec cette idée-là. Peut-être qu'il y croit encore d'ailleurs, à force d'y avoir cru..."
A propos justement du montant touché par la Ligue pour les droits TV, c'est l'échange fort que tu as eu avec le président de Chambly lundi à l'antenne, en lui disant "Rien que le fait d'être les deuxièmes à toucher le plus d'argent derrière l'Angleterre, ça aurait dû vous alerter"...
D.R : "Le pire c'est ça. L'arrogance, la prétention qui mène à une mauvaise évaluation du produit. Et zéro remise en cause derrière. Les mecs du comité de pilotage ne répondent plus à personne ou alors en douce, en off au téléphone. Ils te racontent, comme le pauvre Luzi, que lorsque Roures (le patron de Mediapro) leur a fait un discours à la Ligue ils ont tous applaudi, c'était la fête. Ils ont fait des tonnes de réunions en pensant qu'ils allaient être le deuxième championnat du monde, en évoquant l'antenne, le recrutement des journalistes... Mais tout était grotesque, ridicule. Et les présidents croient à ça. T'as des mecs qui ont réussi dans le monde des affaires, de partout, mais le football ils n'y arrivent pas. Ils ne comprennent rien. J'ai fait un plateau télé avec un économiste du sport récemment qui disait que ces gens-là avaient deux cerveaux : ils peuvent être brillants dans leur entreprise mais une fois dans le foot ils sont pris par le jeu de la com, de la lumière, d'être au centre d'un monde dont on parle énormément et ça leur fait changer de cerveau. Ils n'analysent plus rien, ils ne sont plus lucides".
Pas tous. L'élection de Vincent Labrune à la LFP le montre bien. Il y en a qui prennent un poste exposé pour mettre définitivement un pied dans ce milieu et ne plus jamais en partir. Le rêve, ce n'était pas le prestige d'occuper la plus haute fonction à l'OM. Ce n'était qu'une étape...
D.R : "Je ne connais pas son plan de carrière. Il est ami d'un tas de présidents avec qui il faisait des deals quand il était à l'OM. Il a longtemps dit qu'il ne voulait pas prendre ce poste, moi je suis sûr qu'il lorgnait le poste. Au moment où il arrive, il a cet avantage d'être propre par rapport à cette affaire Mediapro car il ne participait pas aux réunions. Maintenant, ça me paraît impossible qu'il n'en ait pas entendu parler et il n'a pas tiré la sonnette d'alarme. On ne peut pas lui enlever un certain dynamisme pour essayer de régler cette affaire. Maintenant je ne vois pas comment. Il va essayer de dealer avec Canal une exclu totale pour qu'on remette de l'argent dans les clubs. Et si ça s'arrange, je ne pense pas qu'il passera pour le sauveur du football français. Les clubs sont de toute façon amenés à souffrir pendant pas mal d'années. Ils auront moins d'argent qu'avant et comme ça ne bosse pas sur le reste, on entendra les mêmes rengaines habituelles. Alors qu'en fait, il y en a des sous, sauf qu'on n'est pas toujours très malins sur son utilisation".
A chaque fois que la suite est évoquée, le mouchoir Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) est agité...
D.R : "Je n'y crois pas une seconde. Il n'y a que Canal qui peut sauver le foot. Les GAFA ne vont pas venir mettre 700 millions sur un championnat en bois".
Et le fantasme des clubs qui vendent leurs droits individuellement ?
D.R : "Ce n'est pas autorisé en France, et je pense qu'ils vont rester unis pour la négociation. Après c'est sûr que dans ce cas de figure, Paris et Marseille seraient les deux clubs gagnants. Aujourd'hui, l'OM prend 60 millions de droits TV. Par rapport à la notoriété du club, et au fait que ce soit le deuxième club le plus diffusé à la télé, ils seraient en droit de demander largement plus. Donc on pourrait être tenté de mettre de côté la solidarité mais je pense que ça exploserait encore plus le foot. La seule question qui va se poser pour l'OM à l'avenir c'est de savoir s'ils auront l'invitation pour être dans la superligue européenne".
Qui pourrait voir le jour en 2024, à la fin des droits actuels de la Ligue des champions ?
D.R : "Il n'y a que ça qui sauvera l'OM. En Ligue 1 au quotidien, ils ne retrouveront pas des moyens qui leur permettront de lutter pour le titre. Et un propriétaire américain ne peut être séduit que par ça. Si un jour il faut qu'ils envoient plus d'oseille pour que le club retrouve son ambition, ça passe par une réforme de la Ligue des champions. Ce ne sont pas des paroles en l'air, les réflexions existent. Je crois qu'en 2024 on sera en plein dedans. Après faut voir si tu t'y qualifies ou si tu débarques en invité au vu de ton passé. Le football français, comme les autres footballs en Europe, doivent se préparer à ce que certains clubs partent à l'étage au-dessus. L'OM ne peut pas rater ce truc-là. S'il y a un club en France qualifié d'office c'est le PSG, mais le deuxième ça ne peut être que l'OM. Ca sera le club à qui on le proposera pour plein de raisons logiques : le passé, le public, le stade, tout ce que ça représente".