Pourquoi l'OM est autant aimé en dehors de Marseille

Des livres sur l'OM, il y en a beaucoup. Et la collection s'agrandit chaque année avec, par exemple, le très beau "OM premier pour toujours" d'Azzeddine Ahmed-Chaouch et Antoine Bréard, sorti le mois dernier. Alain Hayot, docteur en sociologie, et Jean-Louis Pacull, journaliste qui a couvert l'OM pendant près de 40 ans, en rajoutent un, "L'OM est à nous !" Mais ici, la dimension sportive est presque au second plan. La priorité, c'est d'appréhender, de définir au mieux cet OVNI que représente l'OM, avec une place dans Marseille que presque aucun autre club de foot ne peut se targuer d'avoir dans sa ville. Grossièrement, on pourrait dire que s'il y a des livres qu'il faut s'ingurgiter pour être incollable sur l'histoire de l'OM, celui-là l'est pour devenir calé sur les supporters de l'OM, ce qui n'est pas la même chose. "C'est l'histoire de l'OM comme phénomène social. Alors effectivement, on parle des supporters en premier, parce que ce sont les militants du stade comme on les appelle, mais on parle aussi de l'histoire du club dans l'imaginaire de Marseille", complète Alain Hayot, dont vous pouvez retrouver l'entretien en vidéo.

Pourquoi aime-t-on autant l'OM hors de Marseille ? 

De fait, ce livre décrit, par toutes les actions des supporters, de l'invasion de la Commanderie en début d'année aux maraudes pour les plus démunis, ce qui donne envie à tant de personnes de se déclarer comme de l'entité "Olympique de Marseille". Même s'ils ne sont pas nés dans cette ville, qu'ils n'y ont pas grandi. "L'OM est sans doute le seul club en France qui possède autant de clubs de supporters ailleurs que dans sa propre ville. Parce que la symbolique d'un club singulier, différent, qui possède un des plus beaux stade d'Europe, ça marque les esprits. Il y a ce rapport immédiat entre la ville et son club de foot. Marseille est une ville qui s'est construite dans la riposte, dans la contestation, dans l'anti-autoritarisme. Le côté rebelle de la ville, que l'on retrouve dans le club, intéresse des gens, très largement en dehors de Marseille. Et le fait d'être le seul club à avoir gagné la Ligue des champions participe aussi beaucoup à l'aura, à la pénétration de l'OM dans l'inconscient collectif le plus général", explique Jean-Louis Pacull. 

Des valeurs qui font bien plus envie qu'à Paris ou à Lyon

Parce qu'il a sa propre histoire, ses propres codes, l'OM est un club qui marque les générations. Un temps, on pensait que cela ne concernerait que ceux qui ont grandi avec la domination outrageuse des années Tapie, au début de la décennie 90. Que Lyon allait occuper les esprits de la décennie suivante, avant bien sûr, le PSG des années 2010 avec son recrutement de stars grâce aux petrodollars. Mais il n'en est rien. Aussi parce qu'il est impossible pour ces deux clubs de dégager un tableau clair de valeurs comme cela vient d'être fait pour l'OM. L'OM de Tapie, c'est une saga en coupe d'Europe, avec la demie contre un Ajax beaucoup trop fort en 1988, un scandale contre Benfica en 90, la défaite surprise alors que la coupe tendait ses bras en 91 pour au final l'emporter contre l'ennemi ultime, un Milan multi-vainqueur de l'épreuve. Au niveau des valeurs par rapport à la ville et ce que le club peut revendiquer, c'est un peu pareil. Paris peut se targuer d'une certaine cohérence, la Ville Lumière, un recrutement tape-à-l'oeil, les plus grands viennent à Paris car c'est incontournable, mais à l'image de cette ville où le foot n'est pas la préoccupation première, ils n'y montrent pas forcément leur meilleur visage, à l'image de Sergio Ramos ou Lionel Messi. Cela peut marcher pour les plus jeunes, mais qu'un temps car le mérite sportif, qui ne les récompense pas, titille toujours. Pour Lyon c'est encore plus dur. Quelles valeurs ce club peut mettre en avant ? Peut-être bien la formation, avec tous ces jeunes, issus de la ville et de sa banlieue, qui percent en équipe première avant de partir dans les plus grands clubs européens. Mais cela ne rassemble pas autant que les valeurs de l'OM, qui se transmettent finalement de génération en génération pour rester le club le plus supporté en France. Ce qui se constate dès que l'équipe phocéenne joue à l'extérieur. Cet ouvrage permet de passer le témoin. "Il y en a beaucoup qui achètent le livre pour leurs fils, des membres de leur famille qui n'ont pas connu la victoire de 1993. Pour des gens qui veulent se restituer l'histoire de ce club, vu à l'aune de sa ville" sourit Pacull. Et cela marche. Un peu comme on peut avoir l'impression de connaître Caen juste en écoutant Orelsan, on peut connaître Marseille et ce club sans même y mettre les pieds. Parce que l'OM est à nous, à nous tous.