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Interview

OM : "Quand on signe à l’OM on sait où on met les pieds, sinon c'est une faute professionnelle"

Par la rédaction du Phocéen

Publié le 20/11/2024 à 01:00

OM : "Quand on signe à l’OM on sait où on met les pieds, sinon c'est une faute professionnelle"OM : "Quand on signe à l’OM on sait où on met les pieds, sinon c'est une faute professionnelle"

Thibaut Nilles, préparateur mental, partage son regard sur l'importance du mental dans le football. Dans cette interview, il évoque la gestion de la pression, des critiques et des défis émotionnels, notamment dans des clubs exigeants comme l’Olympique de Marseille. Un éclairage précieux sur un aspect clé du sport de haut niveau. Entretien.

Quelle importance accordez-vous à la préparation mentale dans le sport et plus particulièrement dans le monde du foot ?

Thibaut Nilles : "Pour moi, la préparation mentale est essentielle. C’est un aspect qu’il faut à la fois conserver et développer, car elle peut se travailler de multiples façons. On peut par exemple faire intervenir un préparateur mental, que ce soit pour travailler individuellement avec les joueurs ou sur le collectif. Mais il y a aussi des clubs qui adoptent une autre approche, comme le Stade Toulousain au rugby. Eux choisissent de former directement leurs staffs à la préparation mentale. C'est une méthode intéressante, car elle ne se limite pas aux joueurs : elle intègre aussi le staff, qui apprend à mieux communiquer. C’est crucial, surtout dans des clubs sous forte pression comme l’OM, où la popularité et les ambitions élevées créent un environnement particulièrement intense. Quand on arrive en fin de match, avec un score serré – un 0-0 ou une situation défavorable –, les émotions prennent souvent le dessus. Le ton monte, les mots sont mal choisis, et le message perd de son impact. C’est un peu comme dans une relation parent-enfant. Si les parents s’énervent et commencent à crier, ce n’est pas pour autant que leur message sera mieux compris. Dans le sport, c’est pareil. Un entraîneur sous pression, c’est humain, mais il doit parvenir à contenir ses émotions pour transmettre un message clair et efficace. C’est là que la préparation mentale joue un rôle clé : elle donne les outils nécessaires pour mieux gérer ces moments de tension et maintenir une communication optimale, même dans les situations les plus stressantes."

On sait déjà que le football est un sport hyper médiatisé. Pensez-vous que cela impacte l'aspect mental des joueurs ?

Thibaut Nilles : "Ah oui, bien sûr, et pour plusieurs raisons. D’abord, il y a les réseaux sociaux et les critiques incessantes. Les journaux sont parfois un peu plus constructif, mais sur les réseaux, on trouve de tout et de rien. Quand un joueur reçoit des insultes en permanence, même de la part de personnes qu’il ne connaît pas, ça finit forcément par peser. Ensuite, le football, c’est vraiment un monde à part. Un joueur ou sa famille peuvent être interpellés n’importe où. Parfois, ça va même jusqu’à s’en prendre aux enfants. C’est pour ça que les footballeurs restent souvent dans leur bulle, chez eux, entourés de quelques personnes de confiance. Ils ont du mal à s’ouvrir, car il y a tellement de choses qui se passent autour d’eux, et ce n’est pas toujours simple à gérer. Et puis, il y a la pression médiatique, bien sûr, mais aussi la pression financière. Ce que beaucoup de gens ne comprennent pas, c’est qu’un footballeur n’est pas un salarié comme les autres. On peut le vendre, et parfois, le club décide tout simplement de ne plus vouloir de lui et le placer dans un loft. 

Vous venez d'évoquer le concept du loft, une pratique relativement récente qui semble de plus en plus répandue dans le monde du football. On a vu l’OM l’appliquer cet été avec certains joueurs. Quel est votre avis sur cette méthode, et quelles peuvent en être les conséquences, notamment sur la santé mentale des joueurs ?

T.N : "Je vais vous donner mon avis en distinguant deux points de vue : celui de l’entraîneur et du club, puis celui du joueur. Du côté du club, cette pratique peut être vue comme un levier efficace. Elle met une forte pression sur le joueur pour qu’il trouve rapidement une porte de sortie, souvent dans l’urgence, ce qui peut libérer de la masse salariale ou rapporter de l'argent. Mais si l’on se place du point de vue du joueur, c’est une tout autre histoire. Être envoyé en loft, c’est ressenti comme un rejet. Pas un simple désaccord ou un choix anodin, mais un rejet qui peut être interprété comme une remise en question de sa valeur ou de ses compétences. Et ce rejet, en tant qu’être humain, est d’une violence extrême. Il n’y a souvent aucune réelle possibilité de discussion. On lui dit simplement : "Demain, tu viens t’entraîner, mais pas avec l'équipe première." Ce type de traitement est incroyablement difficile à vivre sur le plan psychologique. En plus, le joueur n’a pas toujours d’explications claires sur sa mise à l’écart. En psychologie, on dit souvent que l’une des pires choses pour un être humain c’est l’indifférence ou encore le fait d’être ignoré. C’est dévastateur. Prenons un exemple concret : un sans-abri dans la rue. Même un simple "bonjour" peut lui faire du bien, mais dans la majorité des cas, on détourne le regard, on fait comme s’il n’existait pas. Pour un joueur, c’est un peu la même chose. Il passe d’un statut social important où il est reconnu, gagne bien sa vie, est sous les projecteurs à une forme de néant. Du jour au lendemain, on lui dit qu’il n’a plus sa place. Et ça, c’est extrêmement dur à encaisser."

Cette année, l’OM réalise un bon début de saison et occupe la 3ᵉ place au classement. Cependant, les performances à domicile posent question. On sent que certains joueurs semblent inhibés par la pression du Vélodrome. Roberto De Zerbi lui-même répète souvent en conférence de presse que son équipe manque de personnalité à domicile. Selon vous, cette pression du public marseillais peut-elle avoir un impact significatif sur le mental de certains  ?

T.N : "C’est vrai que le Vélodrome ne pardonne pas les mauvaises performances. Si les joueurs n’y mettent pas l’intensité ou l’engagement nécessaires, le public peut rapidement montrer son mécontentement. Cela dit, si l'équipe perd 1 ou 2-0 mais qu’elle s’est donnée à fond, je suis convaincu que le Vélodrome ne leur tombera pas dessus. C’est pour ça que je pense que se cacher derrière la pression du Vélodrome, pour justifier un manque de performance, est une fausse excuse. À mes yeux, le véritable problème, c’est la prise de conscience des joueurs sur ce que représente ce club. Quand on signe à l’OM, on sait où on met les pieds. Les joueurs se renseignent, leurs agents ou Pablo Longoria doivent en parler. Ceux qui oublient cette réalité, pour moi, commettent une faute professionnelle. Venir à l’OM en pensant que ça va être tranquille, c’est une énorme erreur. L’OM est un club populaire. Les supporters sont exigeants, mais ce qu’ils veulent avant tout, c’est vibrer. Vibrer, ce n’est pas forcément gagner 5-0, mais se battre, se donner à 3000 %. Si les joueurs font ça, le Vélodrome sera derrière eux, j’en suis persuadé."

Justement, nous avions discuté avec un journaliste de Brest à propos de Lilian Brassier, qui illustre un peu ce que vous dites. Il sortait d’une superbe saison à Brest et était peut-être l’un des meilleurs défenseurs de Ligue 1. Mais depuis son arrivée à Marseille, il sous-performe clairement. Ce journaliste avait confié qu’à Brest, il travaillait avec un préparateur mental. Pensez-vous qu’il pourrait malgré tout avoir un déclic ?

T.N : "Oui, surtout s’il continue son travail avec son préparateur mental, Thomas Sammut. Ce genre de suivi peut l’aider à relever le défi, à retrouver confiance en lui. Mais il faut aussi reconnaître que passer de Brest à Marseille, c’est un tout autre monde. Brest, c’est la Bretagne, une région avec un cadre plus familial, une pression moindre. À Marseille, c’est complètement différent. Ici, la ferveur est omniprésente. Les supporters vivent à travers le football. C’est plus qu’un sport, c’est une part de leur identité, de leur éducation. La pression est donc forcément plus intense. Mais je reste confiant pour Brassier. S’il continue à faire le travail nécessaire et à s’appuyer sur ses ressources mentales, il finira par s’adapter et performer. Pour moi, il a le potentiel, et je ne m’inquiète pas du tout. C’est une question de temps et d’efforts."

Certains journalistes ou supporters peuvent parfois se montrer assez véhéments dans leurs critiques envers certains joueurs de l'OM. Pensez-vous que cela peut être nocif ? Recommandez-vous aux joueurs de se couper de ces commentaires ?

T.N : "C’est une excellente question. Il faut trouver un équilibre. Se couper complètement des critiques, qu’elles viennent des journalistes ou d’ailleurs, ce n’est pas forcément sain. Cela peut enfermer le joueur dans une bulle où il finit par se convaincre qu’il est toujours au top, alors que parfois il y a des points à améliorer. À l’inverse, s’exposer trop aux critiques peut aussi être destructeur. Tout dépend de la capacité du joueur à gérer sa confiance et son estime de soi. Les grands joueurs, eux, savent prendre du recul. Quand une critique leur est adressée, ils ont la maturité de se dire : "Je ne suis pas d’accord" ou bien "D’accord, mais explique-moi concrètement ce que je peux améliorer." Ce sont des critiques argumentées et constructives qui peuvent les aider à progresser. Malheureusement, ce n’est pas toujours ce qu’on voit. Certains journalistes se contentent d’attaquer la personne sans réel fondement, et ça, ça ne sert à rien. Idéalement, les joueurs devraient trouver ce genre de retours au sein du staff. Si le staff ne leur fournit pas cette critique constructive, c’est problématique. En revanche, s’ils sont bien encadrés, ils peuvent mieux gérer les commentaires extérieurs et se blinder face à ce qui n’est pas pertinent. C’est un équilibre à trouver."

Dernière question : à l’OM, on sait qu’il y a énormément de changements chaque année. Une dizaine de joueurs partent, une dizaine arrivent. Vous l’avez brièvement évoqué tout à l’heure, mais comment un joueur vit-il, d’un point de vue psychologique, les rumeurs de départ relayées dans la presse ? Et comment gère-t-il cette incertitude permanente de ne pas être sûr de rester dans son club à chaque mercato ?

T.N : "C’est un véritable casse-tête, et psychologiquement, c’est très difficile. C’est un peu comparable à un salarié dans une entreprise qui apprend qu’il pourrait y avoir un plan de licenciement ou une réorganisation. Ce n’est jamais agréable à entendre, car cela crée un sentiment d’instabilité et d’insécurité. À l’OM, c’est encore plus complexe parce que le club a des ambitions élevées, mais aussi une identité et des valeurs très particulières. Cela donne parfois l’impression que le club attire des joueurs en quête de relance de carrière. Par exemple, un joueur comme Adrien Rabiot ou Pierre-Emile Højbjerg pourrait se dire : "Ok, je vais à l’OM, je récupère un bon salaire, je me montre, et ensuite je repars relancer ma carrière ailleurs." À mon avis, Mason Greenwood est un peu dans cette logique actuellement. Il profite de l’exposition et du projet de l’OM pour se remettre sur les rails, et ça peut être bénéfique pour les deux parties. Ce qui peut aider un joueur dans cette situation, c’est de pouvoir compter sur la transparence du staff ou de la direction. Si Pablo Longoria ou un autre membre de la direction est sincère et direct, cela peut rassurer. Si on dit à un joueur : "Ne t’inquiète pas, il n’y a aucune rumeur, tu fais partie du projet et on te gardera coûte que coûte", il peut se sentir plus en confiance. Mais le problème, c’est que dans le haut niveau, cette transparence totale est rare. Le football, c’est comme vivre 10-15 ans de carrière condensés en une période très courte, dans un environnement où tout change au quotidien. C’est une instabilité permanente, presque comme un jeu de télé-réalité. Du jour au lendemain, une décision peut tomber, et c’est fini : "On ne compte plus sur toi, on te transfère." Ce n’est jamais facile à vivre, parce qu’au final, tout repose sur les décisions d’une poignée de personnes au sommet. C’est dur, vraiment dur."