OM : "Brassier, c'est avant tout une question de confiance"
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 14/11/2024 à 01:00
Recruté en provenance de Brest dans le cadre d’un prêt avec option d'achat fixée à 11,5 millions d'euros, Lilian Brassier connaît des débuts difficiles sous le maillot de l'Olympique de Marseille. Auteur d'une erreur majeure face à Auxerre, il est actuellement la cible de nombreuses critiques de la part des supporters et des observateurs marseillais. Pour Alexis Czaja, journaliste pour Ouest-France et suiveur du Stade Brestois, il ne s'agit pourtant que d'un problème de confiance. Entretien.
Comment jugez-vous la saison passée de Lilian Brassier ? On sait qu'il a été un des éléments forts de Brest, qui a terminé sur le podium. Pouvez-vous nous parler un peu de ses qualités et de la manière dont il s'est imposé au fil de la saison ?
Alexis Czaja : "Oui, alors pour Brassier, c'est un parcours un peu particulier avec Brest. Il a mis trois ans avant de vraiment s'imposer dans l'équipe. Il est arrivé de Rennes, son club formateur, sans avoir joué là-bas. Au début, on voyait son potentiel et ses qualités, mais en match, c'était parfois plus compliqué. Il lui a fallu du temps pour trouver de la régularité et s'imposer. Il a joué à plusieurs postes : défenseur central, axial gauche, et même latéral gauche, un peu comme ce qu’on a pu voir à Marseille en début de saison. C’est à ce poste de latéral qu’il a commencé à obtenir du temps de jeu, il y a deux saisons, et il s’y est plutôt bien débrouillé, même si ce n’est pas son poste de prédilection. Eric Roy a ensuite progressivement décidé de le repositionner en défense centrale en tant qu’axial gauche, début 2023. C'est là qu'il a vraiment explosé. L'année dernière a été la meilleure saison de sa carrière. Il a enfin pu exprimer tout son potentiel qui n'avait pas encore été totalement exploité. Dans le parcours de Brest, qui termine 3e, Brassier, aux côtés de Lees-Melou, a été l'un des joueurs majeurs de l'équipe. Lees-Melou a peut-être un rôle différent, étant plus organisateur du jeu, mais derrière lui, Brassier était le pilier défensif. Même si on parle beaucoup de Brendan Chardonnet en tant que capitaine emblématique, Brassier était le meilleur sur le plan du niveau de jeu .Je n'ai pas souvenir d'un match raté de sa part. Il a eu une expulsion contre Paris, mais c’est une des rares taches dans sa saison, et pour Brest, ça reste anecdotique."
Pouvez-vous nous parler un peu de ses qualités et de la manière dont il s'est imposé au fil de la saison ?
Alexis Czaja : "Pour ses qualités, Brassier possède une excellente lecture du jeu. Il est très fort dans les duels, et surtout, sa capacité de relance est remarquable. C'était le premier relanceur de l’équipe, un rôle essentiel pour Eric Roy qui cherche à imposer un jeu propre et maîtrisé, même dans un contexte de maintien. Brassier a également une bonne qualité de jeu long, avec de très belles transversales, et une sérénité à toute épreuve. Au duel, il est solide, et sa lecture du jeu est excellente. Il a aussi montré son efficacité sur coups de pied arrêtés, notamment avec un but marquant dans le 5-4 contre Rennes, dans les dernières secondes du match. Il a inscrit un ou deux autres buts de la tête durant la saison, montrant qu’il est aussi un bon joueur de tête."
Ses débuts à Marseille vous surprennent-ils ?
A.C : "Ses débuts à Marseille ne me surprennent qu'à moitié. C’est en effet un joueur qui a besoin d’être en confiance. À Brest, qui est un club plus modeste, il lui a déjà fallu du temps pour exploiter pleinement ses qualités. Il a été beaucoup aidé par un préparateur mental, il y a eu un vrai travail de fond qui a permis un déclic, l'aidant à se sentir mieux et à optimiser son jeu. La saison dernière, il a été vraiment très, très bon, et cela coïncidait avec ce travail mental qu’il faisait. C’est un joueur qui a besoin de prendre ses marques et d’être bien entouré pour donner le meilleur de lui-même. Alors, à Marseille, c’est clairement un pari pour lui. Il aurait pu choisir de partir à l’étranger, mais il a préféré prendre son temps et relever ce défi ici."
Avez-vous été surpris par l'intérêt de Marseille, ou même par ce transfert en général ? Pensez-vous que c’était un choix gagnant pour le joueur, ou vous l’imaginiez plutôt partir dans un autre club, peut-être à l’étranger ?
A.C : "Il avait un bon de sortie, donc on savait qu’il allait partir. Chaque année, Brest prévoit le départ d’un joueur majeur, c’est un peu leur modèle économique – même si avec la qualification en Ligue des champions, cela pourrait évoluer. Il avait donc son bon de sortie. D’ailleurs, dès l’hiver dernier, il avait reçu des offres, notamment de Monaco en Ligue 1 qui était très très chaud sur lui. Ca ne s'est pas fait car Monaco voulait un transfert rapide pour pallier les abscences en défense liées à la CAN. L'été dernier, des clubs comme Porto, Milan et certaines équipes de Bundesliga se sont également manifestés. Cependant, le club a décidé de le retenir, et lui-même n’était pas spécialement pressé de partir en milieu de saison. Cet été, il y avait encore des offres de plusieurs clubs, donc c’était un peu surprenant de le voir choisir Marseille, d’autant qu’il n’y avait pas de compétition européenne cette saison-là pour le club. Mais en même temps, ce choix semble logique dans son parcours. Rejoindre un grand club de Ligue 1, c’est un palier supérieur, tout en restant dans un environnement qu’il connaît. C’est un choix réfléchi et intelligent, avec une éventuelle porte ouverte pour l’étranger plus tard. Évidemment, le contexte marseillais est particulier, avec une grosse atmosphère, beaucoup de pression sur les résultats et le niveau de jeu. C’est un vrai pari pour lui, car il va devoir maintenir la dynamique de sa belle saison précédente. C’est un très bon joueur, mais il a besoin d’être en confiance. Sans cela, il pourrait ne pas réussir à exprimer toutes ses qualités."
Vous avez évoqué ses qualités en début d'entretien, notamment sa relance et son jeu aérien. Pourtant, sur ses 11 premiers matchs, on voit surtout un joueur en difficulté balle au pied. Selon vous, est-ce simplement un problème psychologique, une difficulté à gérer la pression marseillaise, ou est-ce qu’il pourrait ne pas être adapté au style de jeu de De Zerbi ? Parce que, d’après ce que vous décrivez, c’est un joueur à l’aise balle au pied, et justement, Roberto De Zerbi demande à ses défenseurs centraux de bien ressortir le ballon. Donc, est-ce simplement un problème de confiance ?
A.C : "Oui, justement, quand il a rejoint Marseille avec De Zerbi, je pensais que ça collerait parfaitement. C’est un joueur qui, comme vous le dites, correspond bien à cette philosophie de relance depuis la défense. La saison dernière, il était le premier relanceur à Brest et très performant dans ce rôle. Il avait vraiment brillé, ce qui a été une belle surprise, et montrait beaucoup d’assurance. Je pense donc qu’il s’agit surtout d’un déclic psychologique, un manque de confiance. À Marseille, il fait face à un palier bien supérieur. Le vrai risque, c’est que Marseille ne lui laisse peut-être pas trois ans pour trouver ses repères. Pour moi, c’est avant tout une question de confiance. Il a montré qu’il savait jouer sereinement, qu’il appréhendait bien son rôle une fois stabilisé. Mais là, c’est son premier gros transfert, avec toute l’attention médiatique qui l’accompagne. Il n’avait jamais joué en Ligue 1 avant Brest, donc il se retrouve exposé à un tout autre niveau de pression. J’espère vraiment qu’il réussira à s’imposer et à montrer l’étendue de ses qualités, parce que c’est un bon joueur. C’est frustrant de le voir dans une équipe censée correspondre à son style, sans pour autant réussir à s’imposer et enchaînant les erreurs. Oui, quand on voit ses maladresses, ça confirme qu’il y a un blocage. J’espère qu’il parviendra à le dépasser."
Est-ce que vous croyez au déclic?
A.C : "Cela va beaucoup se jouer en interne. Il va falloir que le coach réussisse à le mettre en confiance. Moi, j’ai tendance à penser que ça finira par marcher, car ce style de jeu semble bien adapté à ses caractéristiques comme je l'ai expliqué. Il a l’air d’avoir la confiance de De Zerbi, même s’il fait encore des erreurs. C’est son premier grand saut dans un club de ce niveau, alors on verra. Il faut savoir être patient avec lui, mais on sait qu’à Marseille, et dans les grands clubs en général, le temps est souvent limité. C'était donc un vrai pari pour lui. Mais je pense qu’il savait dans quoi il s’engageait. L’année dernière, il était l’un des meilleurs défenseurs de Ligue 1 et un peu sous-coté même, car c’est un joueur assez discret, qui ne se met pas en avant. C’était sa force : il avançait masqué, sans faire de bruit. Mais cette discrétion peut aussi devenir une faiblesse quand il faut être exposé. Il lui faudra peut-être un peu de temps pour s’adapter à cette nouvelle visibilité, mais j’ai confiance en lui. Il peut devenir un très bon joueur: Cette saison est un peu un test pour lui. S’il parvient déjà à relever un peu le niveau, à être solide dans ses matchs, ce sera une bonne base pour la suite. Cela pourrait le mettre en confiance pour, ensuite, avoir une deuxième saison où il pourrait vraiment s’imposer. C’est un joueur pour qui ça peut prendre un peu de temps, mais je pense que cela en vaudra la peine."
Vous mentionniez tout à l'heure que c'était un joueur très discret. À l’entraînement, est-ce quelqu'un qui travaille beaucoup ?
A.C : "Oui, c’est un gros travailleur à l’entraînement, mais sur le terrain, il reste quelqu’un de discret. Ce n’est pas une grande gueule, mais il sait échanger avec ses coéquipiers. En tant que défenseur central, il peut s’imposer physiquement quand c’est nécessaire, mais il n’est pas vraiment un leader de vestiaire. C’est plus un leader sur le terrain, par ses qualités et son sérieux. . Il est très sérieux et ne se satisfait jamais de ses acquis. Je pense qu’il doit son parcours au haut niveau à son travail et à sa persévérance. Il n’a jamais lâché. Je dirais que Brest a été une étape cruciale. Il était vu comme un joueur prometteur, et la saison dernière, à 24 ans, c’était un peu le moment où il devait éclore pour prouver son potentiel. S’il avait fait une saison moyenne, il aurait peut-être fini par retomber dans l’ombre. Mais au contraire, il a pris son envol. C’est un parcours assez classique pour un jeune talent. Il entre maintenant dans une phase charnière, avec une ou deux années pour s’imposer définitivement. Mais je suis confiant, c’est un joueur déterminé qui ne lâchera rien. Il a traversé des périodes de doute, et aujourd’hui, il est prêt pour cette étape supérieure."