Gili : "Même à Bordeaux, Tapie m'appelait dans la nuit"
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 03/10/2021 à 21:30
C'est peut-être la plus belle relation footballistique de Bernard Tapie, qui en a fait un entraîneur reconnu, l'homme de ses premiers titres. Gérard Gili se confie sur le "BOSS" non sans émotions...
Nommé par Bernard Tapie entraîneur de l'OM à la surprise générale en 1988, Gérard Gili entrera dans la légende du club olympien avec un doublé coupe-championnat dès la fin de son premier exercice sur le banc. Il sera à nouveau champion la saison suivante, hissant également la formation phocéenne dans le dernier carré de la Coupe des clubs champions. Forcément touché par la disparition de Bernard Tapie, Gili se confie. Interview.
Gérard, on vous imagine touché...
Gérard Gili : "C'est une grande tristesse, profonde. Même si je savais ces derniers jours que ça n'allait pas bien du tout, quand quelqu'un qui a autant compté dans ta vie professionnelle s'en va, c'est un grand pan de souvenirs qui arrivent. Tu te rappelles presque tout ce qui s'est passé, tous les détails, presque la chronologie des choses. Et puis tu te rappelles de la personnalité qu'il avait. Naturellement, comme tout le monde, après tu as aussi une pensée pour la famille. Il l'adorait, la famille, c'était tout pour lui. Donc j'imagine le vide qu'il doit leur laisser et je pense à eux..."
En 1988, sans expérience, il décide de vous confier l'équipe la plus médiatisée de France.
G.G : "J'étais formateur depuis sept ans à Marseille mais ça, à la limite, personne ne le savait. Le jour où il a licencié Gérard Banide, il nomme Michel Hidalgo, qui me demande immédiatement d'être son adjoint. J'accepte parce que je suis salarié du club mais ça me gêne de laisser les jeunes du centre donc j'obtiens le fait de pouvoir faire les deux. Et puis Michel Hidalgo à la suite du premier match décide d'appeler Bernard Tapie pour lui dire qu'il préfère arrêter. Le lendemain le téléphone sonne à huit heures chez moi et c'est Bernard Tapie. C'est la première fois que je l'ai au téléphone et il me dit qu'à partir de ce jour je suis tout seul en attendant qu'il finalise les discussions qu'il a avec un ou deux entraîneurs très expérimentés. Il me vouvoyait à l'époque mais ça n'a pas duré longtemps. Ca commence comme ça, j'assure l'intérim. Mais de semaine en semaine l'intérim se prolonge, les discussions avec les techniciens expérimentés n'aboutissent pas et de la 19e place on passe à la première. Arrive le jour où il me dit que les joueurs ne veulent pas d'un autre entraîneur, qu'ils veulent continuer avec moi. Il me dit alors qu'on va se tutoyer et que l'objectif c'est le titre".
Et ça fait doublé dès la première saison.
G.G : "La deuxième année du coup se signe très rapidement. On était assis aux abords du stade et on s'est mis d'accord pour repartir pour un an. Il me dit que j'ai déjà gagné la coupe et le championnat. Là il faut gagner la coupe d'Europe, sinon il faudra partir. Ca fait la saison 1990 avec le titre et Benfica avec la fameuse et terrible main de Vata".
Après, il faudra faire place nette pour Beckenbauer.
G.G : "C'est une autre histoire, une autre page de l'histoire du club. Il recherche alors une dimension médiatique internationale pour éviter qu'il se repasse ce qu'il s'était passé à Benfica. Avec l'achat d'Adidas et l'arrivée de Beckenbauer les données sont complètement changées. Après 15 jours d'essai, où on vivait tous ensemble, on va dire ça comme ça, je décide de partir à Bordeaux".
Ce n'est pas qu'un départ. C'est un départ à Bordeaux...
G.G : "Après deux saisons où je suis champion, je ne pouvais pas partir dans un club qui avait moins d'ambitions. A l'époque le grand rival c'était Bordeaux, et comme ils venaient de se séparer de Goethals, on a fait le chemin inverse, puisqu'il ira quelques mois après à Marseille. Malheureusement, c'est comme ça, c'est la vie".
Mais il fera de nouveau appel à vous pour la Division 2 en 1994.
G.G : "Il fait appel à moi quand il faut remplacer Bourrier pendant 15 jours. Après c'est Pierre Cangioni qui devient président et qui vient donc me dire après deux semaines qu'il pouvait me faire un contrat d'un mois, mais pas à mon adjoint, qui était Jean-Louis Gasset. Donc on part tous les deux. Mais mon véritable retour c'est la saison 1995-1996, Marseille est en D2, c'est la Mairie qui était propriétaire du club et qui me demande de remplacer Henri Stambouli avec pour objectif de remonter ce qu'on fera à l'issue de la saison".
C'est une histoire particulière avec Tapie. Il y a dû y avoir des coups de fil dans la nuit...
G.G : "Au début oui. J'ai pu à force lui faire comprendre que, téléphoner à deux heures du matin à un entraîneur, sachant qu'à huit heures il faut qu'il soit lucide pour récupérer et s'adresser à son groupe, ce n'était pas à faire, et il a arrêté. Son dernier coup de fil c'était vers les 22 heures. Mais c'était rentré dans nos habitudes, c'était plus des conversations à bâtons rompus, une prise de température des joueurs, de l'entraîneur, savoir quoi penser du prochain match... C'était devenu une complicité. La rumeur populaire s'était emparée de ça et disait qu'il était interventionniste. En fait, il aimait savoir. A partir du moment où il y avait une véritable logique dans ce que l'on faisait, il validait de suite. Il voulait comprendre, c'est tout".
Il parait même que lors de son retour au club, en 2001, vous avez continué à vous appeler...
G.G : "On a toujours été en rapport, presque constant. Même quand j'étais entraîneur à Bordeaux. Vous vous rendez compte ? J'étais le coach du principal concurrent de l'OM. Mais il n'était pas content de son nouveau coach, il n'avait pas la même complicité, alors tous les soirs il m'appelait, comme si j'étais encore l'entraîneur de Marseille. C'est pour ça que cette relation pour moi, c'est au-delà du foot, c'est une relation humaine qui était vraiment très particulière".