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Interview

Djibril Cissé : "Ribéry m'a déçu"

Par la rédaction du Phocéen

Publié le 24/11/2015 à 07:00

Djibril Cissé : "Ribéry m'a déçu"Djibril Cissé : "Ribéry m'a déçu"

Tout fraichement retraité, Djibril Cissé sort ces jours-ci son autobiographie, "Un lion ne meurt jamais" (édition Talent Sport). Le buteur revient sur sa carrière, d'Auxerre à Bastia en passant par Liverpool, le Panathinaïkos et bien évidemment l'OM. Mais il se dévoile également en tant qu'homme, avec des passages touchants notamment sur la difficulté à concilier son rôle de père avec une carrière de footballeur au plus haut niveau. De passage à Marseille, ce fan absolu du club phocéen a accepté de revisiter en détail ses deux saisons passées avec le maillot blanc. 

Djibril, tu signes à l'OM en juin 2006, mais en réalité, tu aurais déjà pu venir quelques mois plus tôt, au mercato hivernal. Pourquoi ça ne s'est pas fait ?

Djibril Cissé : "Ce qui ne s'est pas fait, c'est que j'étais à Liverpool et je voulais jouer pleinement ma chance dans un championnat idéal pour le football. Je voulais me battre jusqu'au bout. Après je savais que Marseille, mon club de coeur, était en position pour m'accueillir si ça se passait mal. Donc quand j'ai vu que Benitez avait ses plans et que je n'en faisais pas partie, j'ai arrêté de vouloir me battre contre un mur alors que je pouvais aller dans le club où j'ai toujours voulu jouer". 

Tu es proche de signer alors que tu es en stage avec l'équipe de France. Il y a ce match contre la Chine où tu te pètes le tibia, mais tu signes quand même. 

D.C : "Ca montre l'envie de m'avoir des dirigeants marseillais, parce que je signe en béquilles quand même. Plâtré. Il faut attendre un peu moins de six mois avant que je reprenne. Ils auraient très bien pu se réorienter, j'aurais tout à fait compris qu'ils signent un autre joueur. Mais Pape Diouf m'a dit qu'il me voulait moi, ça m'a réconforté, et j'ai tout fait pour lui rendre la pareille en revenant le plus vite possible. Début décembre, j'étais de retour".

Tu ouvres ton compteur à domicile contre Saint-Etienne, avec un but un peu chanceux... 

D.C : "Ah non, chanceux non, je ne suis pas d'accord. Zubar dévie de la tête, mais le ballon ne me tombe pas dessus, je fais le mouvement pour suivre l'action, je sens le jeu, que le ballon va arriver là. C'était mon premier but, pour le dernier match avant la trêve. Ce n'est peut-être pas le plus beau mais un des plus importants à l'OM. En tant que joueur et supporter de l'OM, il y a des matchs qu'il ne faut pas manquer : Lyon, Nice, PSG, Saint-Etienne. Si tu marques, tu restes dans l'histoire du club. Et j'ai souvent marqué dans ces matchs-là. C'est très important pour un buteur, de laisser un peu sa marque". 

Pour laisser sa marque, rien de mieux qu'un trophée. A la fin de ta première saison, vous êtes en finale de coupe de France contre Sochaux. Tu es à fond, tu mets un doublé, tu réussis ton penalty, mais ce n'est peut-être pas le cas de certains de tes coéquipiers. Tu leur en veux ?

D.C : "En vouloir non. Déçu, un peu. Quand on demande à Franck (Ribéry, ndlr) de tirer et qu'il ne veut pas, qu'il dit qu'il est fatigué. Ouais... On n'a pas compris. Aujourd'hui encore c'est un mystère. Mais bon, on va le croire sur parole. Il dit qu'il ne pouvait pas, qu'il avait des crampes. Donc du coup on fait tirer quelqu'un qui n'a pas l'habitude de les tirer, Ronald Zubar, et il le loupe. On ne saura jamais. Je mets deux buts dans le match. Je me dis que si j'en mets un troisième le boulot aurait peut-être été fait. Avec le groupe qu'on avait je pense qu'on méritait un petit titre. C'est dommage". 

La saison suivante, vous démarrez mal, et Eric Gerets remplace Albert Emon. Au départ, il joue avec un attaquant, et c'est Mamadou Niang. Mais finalement, au bout de quelques semaines, il vous associe dans un ambitieux 4-4-2 losange. Tu es allé dans son bureau pour le convaincre ? 

D.C : "J'ai beaucoup de respect pour la hiérarchie. Il y a un président, un coach, des joueurs. Dans ma carrière, je ne suis jamais allé voir un coach pour lui demander pourquoi je ne jouais pas ou lui conseiller un système. Je travaille dans mon coin, c'est le meilleur moyen de lui montrer qu'il a tort. J'ai travaillé dans l'ombre, je faisais mes entraînements. Il s'est dit qu'il fallait me donner ma chance et je l'ai saisie".

Vous finissez la saison en bombe, attrapant le podium in extremis. La saison suivante s'annonce prometteuse mais tu pars au bout de deux journées. Le dimanche tu es sur le banc contre Auxerre le regard noir, le lendemain, tu signes à Sunderland. Tu savais déjà que tu allais partir ? 

D.C : "Je peux vous le jurer, ça s'est fait comme ça. Déjà, je n'ai pas compris. Je fais une préparation de dingue, je mets 5 buts en 6 matchs, à Rennes pour la première journée, je ne marque pas mais on fait un gros match devant, on plante quatre fois. Le mercredi, on joue en qualifications de Ligue des champions, je suis sur le banc. J'accepte. Contre Auxerre, je suis de nouveau sur le banc et on ne m'explique pas. Et je vois que ça tourne. Mamade (Niang, ndlr) marque, les autres marquent. Je ne voyais pas pourquoi et comment il allait changer ses plans, et je ne me voyais pas m'asseoir sur le banc toute la saison. Croyez-le ou pas, le soir du match d'Auxerre, Roy Keane (alors entraîneur de Sunderland, ndlr) appelle mon agent et ça s'est décidé comme ça. Je ne suis pas un joueur à scandales, qui fout la merde dans un club, donc j'ai préféré m'épanouir un peu ailleurs". 

Pour te remplacer, le club prend Mamadou Samassa, puis Brandao au mercato. Tu ne te dis pas que si tu restes, vous êtes peut-être champions ?

D.C : "Peut-être, mais on ne m'a pas parlé, le coach ne m'a pas rassuré. Un coach c'est ça aussi, c'est entretenir une relation avec un joueur. Je ne dis pas que je méritais un traitement différent des autres, mais je pouvais quand même avoir une explication. La première saison, je mets le but qui qualifie le club en Ligue des champions, j'avais fait de bonnes choses la saison d'après, une bonne prépa... On m'a mis sur le banc sans rien m'expliquer. Je n'ai pas trouvé ça très cool. C'était un déchirement oui. J'avais fait beaucoup pour venir à l'OM et je ne voulais pas que ça se finisse comme ça". 

Dans le livre tu racontes qu'avant de signer au Pana, tu étais encore sous contrat avec l'OM et que tu avais eu Didier Deschamps au téléphone. Tu dis qu'il ne t'a pas convaincu... 

D.C : "Non. Je fais une bonne saison avec Sunderland : 10-12 buts avec une équipe qui joue la relégation, ce n'est pas mal. Je l'ai au téléphone et je ne sens pas vraiment une envie de me récupérer. Il me dit : "Tu vas revenir, je sais qu'il y a la coupe du Monde à la fin de l'année c'est important pour toi, je sais que t'es capable. Après il y a une équipe en place, tu seras remplaçant, il va falloir que tu bosses". Ce n'est pas que ça m'a fait peur, mais je n'étais pas emballé".

Mais tu connais une fin heureuse avec l'OM : ton dernier match avec Bastia en mai dernier, où tu reçois la plus grande acclamation du stade, alors qu'il y avait les adieux de Gignac, Ayew et Fanni déjà organisés par le club... 

D.C : "C'est fou parce que je ne savais même pas si j'allais le vivre. Déjà, je suis remplaçant et il fait rentrer Brandao. Je sens un peu la patate, je me dis qu'il ne va pas mettre deux attaquants devant. Quand Brandao rentre, il n'a pas spécialement un bon accueil. J'ai peu de doutes mais je me demande comment ça va se passer pour moi, si jamais je rentre. Finalement le coach me fait rentrer et j'ai une ovation du public qui me va droit au coeur. Donc après le match se termine et j'avais prévu de faire mon tour d'honneur. Le clin d'oeil était trop gros. De finir ma carrière au Vélodrome, il y avait une chance sur 38, il fallait forcément que je fasse un truc. Il y a beaucoup de bruits quand je vais voir les supporters, tout le stade qui scande mon nom. C'était beau. Je m'attendais à un bel accueil mais pas à ce point là. Ca fait plaisir de voir qu'on a fait du bon boulot pour le club et que les gens ne l'ont pas oublié. Mais ce qui m'a fait encore plus plaisir, c'est quand Bielsa vient me voir. Je le vois excité, je n'avais pas cette image de lui, il est comme un gamin, tout sourire, il me dit "tu as fait beaucoup pour le football, merci". Lui me dit merci. Ca restera gravé car pour moi c'est un grand coach, il a fait beaucoup de bonnes choses avec l'OM. Le fait qu'il me remercie, qu'il me dise que je suis un grand du football, ça m'a touché. Ca m'a rendu fier".