Deschamps : "C'est du foutage de gueule"
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 29/10/2012 à 23:05
Didier Deschamps a répondu à José Anigo, aux Winners et il revient sur son départ de l'OM. L'ancien coach olympien vide son sac.
À la veille de la reprise de l'entraînement l'été dernier, le club officialise sa rupture avec Deschamps. Durant de longues semaines, les supporters marseillais sont restés dans l'expectative, coach DD restera-t-il ou claquera-t-il la porte. Une tergiversation du côté de la direction olympienne qui fut mal comprise par les aficionados du club.
Pourtant, Didier Deschamps nous confia que le club savait depuis bien longtemps qu'il n'assurerait pas la reprise de l'entraînement début juillet : "Sachez que la direction de l'OM connaît ma position depuis le 25 mai au sortir d'une réunion à Paris. Je suis quelqu'un qui se comportera toujours bien et qui sera respectueux envers ce club. Je sais ce qu'il représente pour moi. Cette décision, je l'ai prise, car il était impossible de travailler dans ces conditions, cela aurait été préjudiciable au club et aux joueurs..."
Quelques mois plus tard, les langues commencent doucement à se délier et Didier Deschamps a livré sur l'antenne de BeIn Sport, dans l'émission "Le Club", les dessous des tractations sur sa rupture de contrat : "Les conditions n'étaient pas réunies pour l'intérêt du club et de personne. L'unique possibilité, c'était que je parte. Trois-quatre jours après le dernier match de championnat, j'ai eu une réunion à Paris avec l'actionnaire et les dirigeants pour leur annoncer clairement ma décision. D'ailleurs, ils m'ont bien compris. On a eu une bonne discussion. Ça a pris du temps, car il y a des contrats, l'aspect juridique. De leur côté, il y a eu différents intervenants et ça a pris beaucoup de temps, avec pas mal de lettres recommandées envoyées. Après, les avocats font leur travail aussi. J'étais sous contrat, ils avaient un contrat avec moi. Je pense que cela aurait pu se régler plus vite. Mais il a fallu attendre le dernier soir, la veille de la reprise, mais ma décision, il la connaissait depuis fin mai" a expliqué Deschamps. Invité sur le plateau du Talk Show pour la dernière émission de la saison dernière, Bernard Bosquier, qui avait rencontré Jean-Pierre Bernès et Didier Deschamps, n'avait pas dit autre chose (voir la vidéo).
Mais Deschamps va désormais plus loin. Interrogé si les discussions avaient porté sur une forme de harcèlement moral durant la dernière saison, l'ancien de l'OM a acquiescé : "Dans les longues discussions entre avocats, évidemment qu'il y avait un dossier assez lourd, qui pouvait être présenté à n'importe quel moment. Je connais suffisamment de monde, avec ce qu'il s'est passé, à l'intérieur du stade, certains disent que c'est les joueurs qui ont demandé... Certaines choses ont été possibles dans le stade, d'autres pas." Une pique à peine voilée contre les Winners notamment, qui avaient demandé le départ de Deschamps, et qui avaient fait grève lors du quart de finale de C1 contre le Bayern. Le groupe de supporters avait juré, lui, qu'il n'avait pas agi sous le commandement de José Anigo : "On est le bras armé de personne vu qu'on n'a même pas bâché pour José, on a bâché tout simplement contre Deschamps, pour ce qu'il a fait à Spinosi et à plein d'autres (...) C'était devenu invivable, une horreur, jusqu'au jour où les joueurs nous ont convoqués en fin de saison pour nous demander à nous de faire notre travail. On leur a dit c'est quoi faire notre travail ? Ils nous ont dit, c'est de le faire mettre à la porte. Les joueurs nous ont demandé ça. Et ce n'était pas des joueurs qu'il avait mis sur le banc, c'était des cadres des joueurs à qui il avait passé le brassard" expliquait récemment le vice-président des Winners, Rachid Zeroual (lire ici). Cette attaque, Didier Deschamps ne l'a pas digérée. Et alors qu'il s'était imposé une distance avec l'OM, il a décidé de franchir le pas. Et de dire vraiment ce qu'il avait sur le coeur concernant José Anigo.
Retour sur les faits de la discorde : Alors qu'il prolonge son contrat jusqu'en 2014 à l'été 2011, l'actuel sélectionneur des Bleus voit ses pouvoirs élargis et son statut d'entraîneur prendre la particule de "général". En conférence de presse, quelques semaines plus tard, Deschamps sous-entend que tout le monde ne tire pas dans le même sens au club. La réponse de José Anigo fut sanglante : "Je pense que dans ce genre de situation, déclarer des choses comme ça, c'est de l'irresponsabilité, c'est de la connerie. Des fois, il vaut mieux tourner sept fois sa langue dans sa bouche plutôt que de dire de telles bêtises. Moi, je suis serein. Quand on veut évacuer, on le fait parfois sur les autres... Personnellement, moi je peux me regarder dans une glace, je sais ce que j'ai fait. J'aime trop ce club pour faire quelque chose à l'encontre de qui que ce soit. J'ai plutôt tendance à dire les choses entre quatre yeux. Je ne veux pas polémiquer avec qui que ce soit. Ça m'emmerde de toujours me justifier gratuitement alors que je n'ai aucune raison de le faire. Je trouve ça débile. Ça me casse les couilles. Il y a un président, un actionnaire. Les choses sont claires. Si à un moment donné je gêne, s'il faut plus de place encore. Je suis un grand garçon ! Moi je ne suis pas impliqué dans la vie de tous les jours, je ne fais pas les équipes, ce n'est pas moi qui joue... C'est idiot de distiller des phrases comme ça, qui laissent planer le doute sur plein de gens. C'est vrai que ce n'est pas nominatif, mais si vous venez me voir, c'est que vous avez compris, comme moi, pour qui c'était. J'en ai pleins les c... Ça suffit à la fin de toujours dire que c'est la faute à untel, de se prendre pour caliméro."
Un an plus tard, Deschamps n'a toujours pas digéré ce discours d'Anigo après ce match face à Ajaccio (2-0) : "Il y a des intérêts qui sont différents. Il y a des choses qui ont été dites, qui sont assez graves pour moi, qui ne me sont jamais arrivées en 25 ans que je suis dans le milieu professionnel. Il y a des dirigeants, le pouvoir a toujours été au-dessus, et ils prennent les décisions ou ils ne les prennent pas. En l'occurrence, ils n'en ont pas pris, et moi j'ai pris ma décision, à leur place" a-t-il expliqué sur le plateau d'Alexandre Ruiz. Ce titre d'entraîneur général n'était donc qu'une mascarade à ses yeux : "La dernière année, on a élargi mon pourvoir, mais c'est du foutage de gueule, car ma fonction a toujours été la même ! J'étais entraîneur, on m'a mis entraîneur général, j'étais entraîneur de l'équipe de Marseille avec ni plus, ni moins de pouvoir que la première année. Il y a des composantes dans le club, avec des spécificités..."
C'est en réponse au manque de partage récemment évoqué (lire ici) qu'il se montre finalement des plus virulents : "Je lis qu'il y a des entraîneurs qui ont besoin de partager, de discuter. Moi aussi je pourrais dire qu'il y a deux sortes de directeurs sportifs, ceux qui font dans l'intérêt du club et de l'entraîneur en poste, ou ceux qui font leur propre intérêt. Je suis comme je suis, avec mes qualités et mes défauts. J'ai eu à Monaco et à la Juve des gens qui ont ce rôle-là de directeur sportif, ça a pu bien se passer, parfois moins bien, j'ai mon caractère".
Il en remet une couche, lorsqu'il s'agit d'évoquer les joueurs, qui l'auraient lâché en fin de saison : "Ceux qui ne jouent pas, ils savent où aller pour avoir un autre son de cloche. Tout ça se ressent sur l'ensemble des joueurs et du staff aussi. Il y a des gens très bien dans ce club, et d'autres, qui ont d'autres intérêts que l'Olympique de Marseille".
En homme parfaitement rodé au monde de la communication, Didier Deschamps la sûrement préparé son discours. Du côté de BeIn Sport on ne s'attendait pas à de telles déclarations, même si l'espoir de comprendre enfin les raisons de cette discorde était de mise. S'il est probable que cette éternelle querelle fatigue les supporters, il faut rappeler que Deschamps a laissé un bon souvenir à l'OM, si l'on se fie au sondage effectué à cet effet. Sa réponse a donc un poids tout particulier.