Bouchet prudent sur la vente de l'OM
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 03/09/2016 à 07:00
Président de l'OM entre 2002 et 2004, Christophe Bouchet a accepté pour Le Phocéen de revenir sur les derniers jours du mercato Olympien, ainsi que sur la vente annoncée du club à Frank McCourt dans les prochaines semaines. Entretien.
Christophe Bouchet, comment accueillez-vous l'annonce de la future vente de l'Olympique de Marseille à Franck McCourt ?
Christophe Bouchet : "Pour le moment, je l'accueille avec prudence. Pour l'instant, il s'agit d'intentions des uns et des autres. Il faut que tout cela soit ficellé, contracté, dans le bon sens. On y verra plus clair concernant les intentions du nouveau propriétaire au moment d'une vente officielle."
Le risque Kachkar existe-t-il ?
C.B. : "Je ne peux pas faire le tour de toute la planète pour savoir qui est qui. Je dis simplement que j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup d'emballement médiatique. C'est normal, c'est l'Olympique de Marseille, ça fait quelques mois que tout le monde est aux abois, c'est normal parce que c'est Margarita Louis-Dreyfus qui veut vendre. Aujourd'hui, on parle de quelqu'un qui est en négociations exclusives. Je ne sais pas si l'on doit espérer que cela fonctionne ou que cela ne fonctionne pas. Ce serait bien d'avoir plus des détails sur la personne qui va racheter, qui est quand même dix fois moins riche que Margarita Louis-Dreyfus. Il faut se poser les bonnes questions : est-ce qu'il va avoir envie d'y consacrer la moitié de sa fortune, de mettre en place une gouvernance pour y arriver ? Il y a quand même un nombre de questions en suspens qui sont importantes. Je ne dis pas non, je ne dis pas oui. Je regarde. Avec beaucoup d'affection et d'intérêt."
L'OM vient de vivre un dernier jour de mercato agité avec un départ et trois arrivées. Vous avez vécu ce type de moment, les dernières heures d'un marché des transferts, pouvez-vous nous raconter vos souvenirs le plus forts de ces périodes ?
C.B. : "Il y a des souvenirs très contrastés de ces périodes-là. C'est le moment des jokers, des derniers coups, de la peur aussi. On y fait des bons coups, puis des mauvais. Je me souviens que le dernier jour était venu Camel Meriem. Il avait fait une saison exceptionnelle. Ce qu'il n'avait pas fait avant, et n'a pas refait après. Un joueur sympathique, agréable, attachant, poli. Un type extraordinaire, qui a fait une saison extraordinaire."
Et les mauvaises pioches ?
C.B. : "Les moins bonnes, c'est quand on a fait venir dans les dernières heures Fabrice Fiorèse. On s'est précipité au dernier moment. La greffe n'a pas pris. Le public Marseillais n'avait pas été extrêmement sympathique avec le garçon, le public Parisien aussi d'ailleurs. C'est un regret, parce que je pense que c'est quelqu'un qui valait le coup et qui aurait pu servir l'OM. Ca ne s'est pas passé comme ça, mais ce sont les dernières heures du mercato. Vous n'êtes à l'abri de rien."
Et toujours dans cette période, le même jour, vous vendez Mido à la Roma. C'est un regret ou de toute façon il était ingérable ?
C.B. : "Mido, c'est comme l'ère Louis-Dreyfus à Marseille : un rêve inachevé. Mido n'a jamais réussi à faire une vraie saison quelque part. Je ne sais pas s'il était plus gérable à Marseille qu'ailleurs. Je pense que Marseille lui convenait bien, un club un peu fou pour un joueur un peu fou. Un garçon très attachant, sympathique, agréable, pas ingérable, mais vous savez, c'était une star absolue pour des dizaines de millions d'Egyptiens, la vie avait peut-être été un peu trop facile. Je pense qu'il est passé à côté d'une carrière énorme. Il a été recruté la même année que Didier Drogba. Vous savez parfois la vie d'un footballeur se joue à rien de tout, des détails, un but par-ci par-là. Il était fait pour le Vélodrome, mais cette année-là ce fut Drogba."
Si vous aviez des conseils à donner au futur repreneur ?
C.B. : "Je donnerai à Frank McCourt le même conseil qu'à tous ceux qui viennent de l'extérieur de Marseille. Un club, c'est avant tout l'expression d'un territoire. L'OM c'est Marseille, la Provence, un peu plus largement la France et l'Afrique du Nord. Il faut l'enraciner avec des acteurs locaux. Il n'y a qu'une réussite de gestion hors-sol dans le football français, contrastée mais une réussite, c'est celle de Bernard Tapie. C'était un homme fort, il avait une ténacité, du courage et une envie formidables. C'est le seul à avoir réussi cette gestion hors-sol. Ce que j'appelle la gestion hors-sol, c'est ces grands actionnaires, qu'ils soient en Russie, aux Etats-Unis ou au Qatar. S'ils n'ont pas compris qu'il fallait trouver plein de petits points d'enracinement dans la cité au sens presque politique du terme, ils n'arriveront à rien. Il faut que le monde politique local soit concerné, que le monde économique marseillais soit concerné et que les supporters soient vraiment concernés. Il faut un ensemble et trouver les gens qui vont créer toutes ces passerelles et faire que l'OM est bien le club local. Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un dans le monde pour injecter autant d'argent à l'OM qu'il n'en faudrait. Mon seul conseil est de trouver un consensus local et des envies locales, tisser les liens nécessaires à Marseille."