Bernès : "Directeur sportif, ça ne s'improvise pas"
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 04/10/2019 à 12:00
L'ancien directeur sportif des grandes années olympiennes décrit sa vision du poste pour Le Phocéen.
Alors que la rumeur d'un possible départ d'Andoni Zubizarreta de l'OM enfle depuis plusieurs jours, sans que l'on sache si elle est véritablement fondée, on tente d'imaginer ce que feraient les dirigeants olympiens en cas de départ de l'Espagnol (voir le Talk Show en vidéo). Difficile de se faire une idée, car les spécialistes du poste ne sont pas nombreux sur le marché, et encore moins en France. En effet, les directeurs sportifs français n'ont pas la cote en Ligue 1. Une situation qui désespère Jean-Pierre Bernès, l'un des principaux agents de joueurs français, et qui a occupé ce poste durant les grandes années de l'OM. C'est ce qu'il explique au Phocéen. Interview :
Comment jugez-vous ces rumeurs concernant la situation d'Andoni Zubizarreta ?
Jean-Pierre Bernès : "Je ne souhaite pas commenter une rumeur. Je constate juste que, compte tenu des moyens limités, l'OM a fait un bon recrutement. Déjà, j'apprécie beaucoup André Villas-Boas. Il communique très bien et il semble apprécié par ses joueurs, ce qui est fondamental. Et, concernant les recrues, elles ne sont pas nombreuses mais ont été très bien ciblées"
De manière plus générale, que pensez-vous du rôle d'un directeur sportif, vous qui l'avez exercé à l'OM ?
JPB : "J'ai toujours dit qu'il s'agissait du poste-clé dans un club, même primordial, avec l'entraîneur. Le problème, en France, c'est que lorsque vous recherchez un directeur sportif, il n'y en a pas. On est champion du monde, on a la meilleure formation, les gros clubs viennent chercher nos joueurs de plus en plus jeunes, et les entraîneurs français sont complètement déconsidérés. Pour ce qui est des directeurs sportifs, si vous prenez les cinq plus grands clubs français, ce sont des étrangers, avec Zubizarreta à l'OM, Leonardo à Paris, Juninho à Lyon, Campos à Lille, ou encore Macia à Bordeaux. Il n'y a pas un dirigeant français qui peut occuper ce poste, ça veut dire quoi ?"
C'est vrai, mais ils ne sont pas nombreux sur le marché, non ?
JPB : "Bien sûr, et ce n'est pas normal. Il existe depuis des années une formation universitaire à Limoges, et de nombreux anciens joueurs y ont été diplômés. Il y en a bien un qui pourrait sortir du lot, non ? Vous allez en Italie, ils sont italiens, même chose en Espagne ou en Allemagne. Il y a même un mercato des directeurs sportifs depuis plusieurs années, avec des transferts, comme pour les joueurs. En France, non seulement ça n'existe pas, mais si vous en cherchez un, vous n'en trouverez pas. Encore une fois, ce poste est déconsidéré"
Pourquoi ?
JPB : "Je ne sais pas. En France, on n'arrive pas à protéger notre culture alors que nous sommes les plus forts pour former des joueurs. C'est complètement fou ! Les présidents des clubs de Ligue 1 ne valorisent pas le poste, ne créent pas de vocations. Comment font-ils dans les autres pays ? Les mecs ne sont pas arrivés tout seuls, il y a une vraie stratégie, car encore une fois, c'est le poste le plus important"
Et vous ? C'est votre métier d'origine, avant d'être agent de joueurs...
JPB : "Je ne parle pas de moi. Je suis très bien dans ce que je fais aujourd'hui. Après, c'est sûr qu'il s'agit de mon vrai métier, je suis dans ma 38e année dans le football, mais ce n'est pas du tout d'actualité. Pour en revenir à l'importance du poste, le DS n'est pas uniquement un recruteur. C'est un travail de fourmi au quotidien, il est très proche de l'entraîneur, il parle aux joueurs tous les jours, c'est un vrai métier. Je l'ai exercé durant les plus belles années de l'OM et ça ne s'improvise pas. Regardez Juninho à Lyon qui arrive et qui n'a jamais exercé avant, c'est difficile. C'est un métier qui s'apprend et qui demande de vraies compétences, surtout dans un club à pression comme Marseille".