Y a-t-il vraiment une "méthode Villas-Boas" ?
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 09/10/2019 à 01:00
Décryptage des méthodes d'entraînement du coach portugais de l'OM.
Chaque entraîneur a sa philosophie de jeu et sa méthode d'entraînement, et c'est souvent cette dernière qui détermine l'envie de son effectif de le suivre ou pas. Concernant André Villas-Boas et sa méthode, il semblerait que ce soit le cas si l'on se base sur les déclarations de ses joueurs ou les témoignages qui nous remontent depuis La Commanderie. Évidemment, les résultats actuels ne plaident pas vraiment dans ce sens, mais les nombreuses absences et le niveau de jeu des titulaires actuels semblent plus responsables de ce coup d'arrêt que l'état d'esprit affiché. Du coup, en cette période de trêve internationale, il est intéressant de se pencher sur les méthodes de travail d'AVB et son staff.
Depuis plusieurs années, on parle d'une école portugaise adepte de la "périodisation tactique"
Déjà, il faut noter que Villas-Boas est portugais, comme deux autres de ses homologues de Ligue 1 : Jardim à Monaco et Sousa à Bordeaux. Ce n'est pas un détail, puisque depuis plusieurs années, on parle d'une école portugaise adepte de la "périodisation tactique". Un terme un peu barbare que nous essaierons de décrypter plus bas, mais qu'AVB avait rapidement évoqué lors d'une de ses premières conférences de presse : "Je suis un entraîneur qui veut tout intégrer : la partie physique avec la partie technique. Les entraînements vont changer. Normalement, ça a un bon effet sur les joueurs. Ils vont avoir du plaisir à s’entraîner. Mais on doit obtenir les victoires, car ce sont elles qui nous rendent solides". Une méthode qu'expliquait AVB plus en profondeur dans la vidéo ci-dessus (à partir de 8.20). Pour schématiser, il s'agit de remplacer les traditionnelles séances de physique par un travail en situation, toujours avec le ballon. C'est ce qu'expliquait récemment Elie Baup dans les colonnes de La Provence : "Cette méthode suppose que tout le monde doit donner une réponse collective par rapport à des situations de récupération du ballon ou de jeu offensif. On travaille sur la notion d'espace et de temps. En résumé, il faut supprimer les réponses individuelles au profit des réponses collectives". Le travail n'est donc plus découpé en exercices de physique, de technique, de tactique ou de mental, mais regroupé en un seul bloc avec des variantes.
"En France, on dit qu'on fait des matches ou des oppositions. Les Portugais appellent ça des thèmes de périodisation tactique"
Un travail mis en valeur par Villas-Boas et Jardim, donc, mais qui n'est pas franchement révolutionnaire si l'on y regarde de plus près. C'est en tout cas ce qu'explique l'un des techniciens français les plus à la pointe de la préparation physique et tactique de ces dernières années. Ancien entraineur-adjoint à Rennes, Toulouse, Bastia et à la Real Sociedad, Michel Troin a accepté de décrypter cette méthode pour Le Phocéen : "Lorsque tu débutes l'entraînement, au lieu de faire du physique, tu fais des jeux avec ballon. Des appuis, des échanges de balle, des jongles, des toros et de l'animation. Selon les jours de la semaine, on varie les jeux en faisant des 6 contre 6 avec une recherche d'intensité et des efforts plus brefs ; des 9 contre 9 sur un grand terrain avec des efforts plus longs pour plus d'endurance et ainsi de suite. Les joueurs courent, sont toujours en mouvement, mais ça reste du foot. En France, on dit qu'on fait des matches ou des oppositions, et les Portugais appellent ça des thèmes de périodisation tactique avec une notion physique, technique, tactique ou mentale selon les séances. Mais, quel que soit le jeu, il y aura toujours du physique, de la technique, une notion tactique et enfin une notion mentale, qu'il s'agisse de détermination ou de passivité. Donc, c'est la même chose. Il n'y a que l'appellation qui change". Une simple question de nom, vraiment ? C'est ce que pense notre interlocuteur. "Ces dernières années, les coaches portugais et espagnols se sont très bien vendus, car ils ont su mettre des mots sur ce qui existait depuis longtemps. En fait, cette périodisation athlétique est à peu de choses près ce qui se fait en France depuis les années 80. Puisqu'on parle de l'OM, les anciens comme Gérard Banide, Jacques Vankerschaver (adjoint de Rolland Courbis), Gérard Gili, Albert Emon ou Jean Fernandez faisaient à peu près la même chose".
Quelle que soit la méthode, on ne remplacera jamais les bons joueurs
Toujours est-il que les Portugais ont su la mettre en valeur et en tirer des résultats conséquents, même si le moyen le plus sûr d'obtenir des résultats reste d'avoir des joueurs performants. On en revient à Leonardo Jardim, champion de France avec Mbappé, Lemar, Silva ou Fabinho, et beaucoup moins fringant après les avoir perdus. Reste à voir ce que donnera son application à l'OM par André Villas-Boas, lui qui avait eu du mal à la mettre en place durablement à Chelsea il y a huit ans. "Au niveau jeu et entraînement, sa méthode était très proche de celle de Mourinho, même s'il souhaite avoir plus de possession, nous expliquait en début de saison Christophe Lollichon, entraîneur des gardiens des Blues. Malheureusement, il a peut-être péché par un manque de préparation physique et c'est là-dessus que la saison se joue, notamment en Champions league". La faute à cette "périodisation tactique" ? Difficile à dire. Huit ans plus tard, les fondamentaux restent les mêmes, mais le Portugais a emmagasiné de l'expérience. À ses joueurs d'en profiter.