OM : pourquoi Bernard Tapie était le plus grand des présidents
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 03/10/2021 à 12:30
Retour sur la carrière à l'OM de Bernard Tapie, décédé ce dimanche matin.
Forcément, même le jour de sa disparition, ce sera trop fort pour certains. Il faudra parler de la chute, d'OM-VA, de Jacques Mellick, de Glasmann... Alors soyons clairs, il ne s'agit pas de dédramatiser, de dédouaner, d'absoudre. Mais juste de mettre en perspective avec le reste. De ne pas laisser certains, car c'est la partie la plus documentée, médiatisée, et donc le bout de la vie d'un homme qu'ils maîtrisent le mieux, faire de cette histoire les scènes centrales du film de la vie de Bernard Tapie. Déjà, parce que de l'aveu de l'intéressé lui-même, sa plus grande fierté reste d'avoir été ministre, ce qui n'a pas été donné à tous les présidents de club, même si ce ne sont pas les tentatives qui ont manqué. Mais surtout parce que, rien qu'en restant dans le chapitre football, avant un match, il y a eu sept longues années. Sept années qui ont permis à un président de changer la face du football français, qui l'a décomplexé, comme l'ont admis sans mal la plupart des champions du monde 98, mais aussi influencé une grande partie des dirigeants européens actuels. Rien que ça.
Il savait écouter
Homme d'affaires reconnu, Bernard Tapie profite un jour de 1986 d'un repas à l'Ambassade de l'Union Soviétique avec Gorbatchev pour enclencher sa grande histoire avec l'OM. A table, face à la femme de Gaston Defferre, il évoque le formidable potentiel de cette ville de Marseille avec le football, fort de son stade et de son public de passionnés, un véritable "volcan endormi" pour reprendre la formule d'un de ses successeurs. Force est de constater que Tapie saura mieux que quiconque comment le faire entrer en éruption. Avec ses méthodes bien à lui, et c'est ce qui fait la beauté de l'histoire. A la base, Tapie n'est pas Marseillais, à la base, Tapie n'est pas un homme de football. Mais ses concepts vont coller parfaitement pour en faire un maître, un père, une icône. Parce qu'il a eu l'intelligence au départ de s'entourer, d'écouter, d'apprendre. D'absorber les conseils de ceux qui ont réussi avant d'y mettre sa touche personnelle. Une masterclass. Dès sa première saison, il fait deuxième et finaliste de la coupe de France. Pas mal pour un club dont l'objectif auparavant était de se maintenir. Tapie a rêvé avec les Bleus, il fait tout pour récréer la dynamique : Michel Hidalgo à la tête du projet, Alain Giresse sur le terrain et déjà la conviction qu'il faut y aller à fond quand il s'agit de transfert et de négociations. Jean-Pierre Papin, jeune attaquant de Bruges, s'était engagé avec l'AS Monaco ? Tapie fera ce qu'il faut pour qu'il prenne finalement la direction de Marseille. La grande histoire pouvait commencer.
Un président avec des concepts pour tout
S'il s'avait se montrer intransigeant avec certains joueurs, étant persuadé qu'ils ne pourraient rien apporter de plus sans ménagement, il était capable d'en couver d'autres, comme JPP justement après une première saison moyenne. Au-delà de l'aspect tactique, qu'il allait finir par maîtriser aussi, Tapie avait compris que le sport se jouait avant tout dans les têtes. C'est lui qui, au milieu d'un vestiaire, cassait un crayon avec ses deux mains avant d'échouer quand il essayait de le refaire avec dix pour faire comprendre à ses troupes que c'est ensemble qu'on est invincibles. C'est lui qui fait d'un match de football une soirée à spectacles avec feux d'artifice à la fin, solo de guitare de Van Halen à l'entrée des joueurs, afin de garnir les gradins. Ce sera enfin lui, in fine, qui ordonnera à son entraîneur par talkie-walkie, en pleine finale de coupe d'Europe, de ne pas sortir son stoppeur malgré ses demandes insistantes, sentant bien qu'il avait encore quelque chose à apporter, par exemple sur corner juste avant la mi-temps...
La plus belle des histoires en coupe d'Europe
Bien sûr, lors de ce parcours, Bernard Tapie a commis des erreurs. Le soir-même où il a engagé Franz Beckenbauer il voulait faire annuler le contrat, réalisant que la mayonnaise ne prendrait pas. Mais ce sont aussi ces choix qui ont amené le club au plus haut, sur le toit de l'Europe. L'histoire est magnifique, elle pourrait faire le bonheur de Netflix et Amazon, car en plus il y a un happy end. Non content d'avoir glané une coupe de France, cinq championnats de Ligue 1, l'OM de Tapie s'est surtout offert une formidable aventure européenne : 1/2 finale de C2, 1/2 finale de la C1, finale de la C1 avant la victoire finale. Chaque fois, une étape supérieure de franchie avant l'apothéose. Avec beaucoup, beaucoup plus d'argent, d'autres clubs ont essayé de faire aussi bien en autant de temps. Que ce soit en Angleterre ou en France, ils n'y sont pas parvenus. Bernard Tapie n'avait donc pas besoin de garder sa médaille, qu'il a offerte à Depé, ni sa réplique de la Ligue des champions, transmise à René : il a gardé avec lui bien plus, une trace qui n'est pas prête de s'effacer, une étoile. A jamais le premier, c'est lui, et personne d'autre.