Recrue de luxe du dernier mercato marseillais, Gerson tarde à trouver son régime de croisière. Les questions commencent à fuser, mais son temps d'adaptation n'a rien d'affolant.
Ce fut l'une des images du weekend lors de la défaite de l'OM face à Lens (2-3) à domicile, lorsque Mattéo Gendouzi a gentiment bousculé Gerson pour lui demander quand il allait se mettre à courir. Rien d'autre qu'une banale explication entre deux coéquipiers en difficulté, mais grossie à l'extrême par la loupe du Vélodrome et la presse nationale. Toutefois, cet épisode soulève une vraie question, car si l'international brésilien réalise un début de saison correct, les attentes sont forcément multipliées quand l'intéressé n'est autre que la recrue la plus chère du mercato de l'OM. Pourtant, les 20 millions d'euros dépensés pour celui qui était considéré comme le meilleur milieu du championnat brésilien avec Flamengo n'ont rien de faramineux. Encore moins lorsque le joueur n'a que 24 ans et qu'il vient d'enchaîner deux matches avec la Seleçao. Mais les interrogations sont toutefois légitimes.
"Avec Marseille, je le trouve moyen pour l'instant, mais ça s'explique par le fait qu'il joue très haut, et que ce n'est pas son poste"
Malgré un but et une passe décisive en sept apparitions en Ligue 1, Gerson laisse clairement entrevoir qu'il en a encore beaucoup sous la pédale. Pied gauche soyeux, tête haute, sens de la passe, frappe précise et déplacements intelligents, il faudrait être aveugle pour ne pas voir qu'il possède toute la panoplie. Reste que ce relayeur tant désiré par Jorge Sampaoli ne la sort qu'avec parcimonie en dépit d'un temps de jeu très conséquent : "Généralement, quand un joueur vient d'un autre pays, il faut toujours une période d'adaptation, plaidait récemment Sampaoli. On pense que Gerson s'adapte bien. Il a récemment été international avec la sélection, donc on attend aussi de voir ce niveau avec nous, qu'il soit déterminant. Il l'était aussi dans son ancien club. Quand on demande un joueur comme lui, c'est parce qu'on voit des qualités. On va avoir besoin de sa meilleure version avec nous cette saison". Une version dont les connaisseurs du championnat brésilien ne doutent absolument pas, eux non plus. "On connait sa valeur technique et son impact au milieu, car il faisait vraiment partie du haut du panier avec Flamengo, nous expliquait Dominique Baillif. Avec Marseille, je le trouve moyen pour l'instant, mais ça s'explique par le fait qu'il joue très haut, et que ce n'est pas son poste. Au Brésil, il est considéré comme un relayeur ou un milieu central de très haut niveau".
"En Ligue 1, ça ne fait que sprinter, et Gerson est en train de découvrir ça, surtout avec Sampaoli et son pressing haut"
Ce dernier point est très intéressant, tant il semble évident que la position actuelle de Gerson, souvent très haut et à gauche, le prive de son terrain de jeu favori : là où est le ballon. Ceci dit, on l'a aussi vu déporté sur un côté au Brésil et son talent doit lui permettre de s'y accommoder. Le vrai problème est donc plutôt à chercher du côté de ses dispositions physiques et surtout de son adaptation au football français, loin d'être le plus facile comme l'explique au Phocéen l'ancien entraîneur-adjoint de Rennes et Toulouse Michel Troin : "La Ligue 1, c'est un gros engagement physique, pas d'espaces, des lignes très serrées et de gros combats sur de petits périmètres. Il suffit de voir les buts du weekend dernier, ou hormis le coup franc de Payet et la frappe de Gueye avec le PSG, tous les buts viennent de cafouillages très âpres dans la surface. Ce n'est pas posé et préparé comme en Liga par exemple. Pour en revenir à Gerson, il va devoir trouver ses repères là-dedans, savoir qu'il doit contrôler le ballon avec deux joueurs sur le dos. Sinon, j'ai tout de suite vu un joueur fin techniquement et habile pour se démarquer entre les lignes, sauf que le ballon n'arrive pas toujours. Et à l'approche du but, c'est les tranchées de Verdun ici, il va devoir faire avec ça. Et puis, il y a le rythme, qui n'a rien à voir avec le championnat brésilien. Ici, il y a quelques années, l'effort référentiel était : 1 temps d'effort et 3 de récupération, à savoir 20 secondes à fond et une minute en trottinant. Là, c'est 20 secondes d'effort et 30 de récupération maximum. Ça ne fait que sprinter, et Gerson est en train de découvrir ça, surtout avec Sampaoli et son pressing haut". Un Sampaoli qui n'est pas près de lâcher son joueur, lui qui a eu le loisir de l'évaluer durant ses deux saisons au Brésil. Et puis, souvenez-vous d'un certain Lucho Gonzalez, perdu pendant plusieurs mois dans les tranchées de la Ligue 1 avant d'en faire son jardin. Il y a comme une ressemblance, non ?