Finances : pourquoi l'OM ne déposera pas le bilan

Crise sanitaire, déficit abyssal, départ du directeur sportif, incertitude sur AVB, polémique sur les salaires, rumeur de vente... rien n'est épargné à l'OM en ce printemps 2020. Et pour couronner le tout, on évoque même un risque de dépôt de bilan, rien que ça. Un terme qui fait froid dans le dos, puisqu'il signifie que le club marseillais ne serait plus en mesure de payer et devrait donc fermer boutique. Ce scénario catastrophe, c'est Mediapart qui l'a dévoilé jeudi soir en publiant une enquête traitant notamment de l'emprunt garanti par l’État, voté par la LFP, de 224,5 millions d’euros pour combler le manque à gagner des clubs de L1 et L2 vis-à-vis des droits TV. Un prêt bancaire jugé dangereux selon le site internet compte tenu de l'incertitude autour de la capacité financière de Mediapro à tenir ses engagements, alors que le futur diffuseur est censé payer plus d'un milliard par an (la LFP a d'ailleurs porté plainte contre le média sur le sujet de l'emprunt). Mediapart estime, de plus, que quatre clubs de L1 affichent un déficit net de 541 M€ au 30 juin 2020, et que l'OM "pourrait" en avoir la plus grosse part avec une perte de 206,3 M€ et, donc, une potentielle cessation de paiement. En gros, que l'OM risque la faillite pure et simple.

"La DNCG s'assure que McCourt a la surface financière suffisante pour se montrer garant. Il n'y aura donc pas de dépôt de bilan pour l'OM"

Alors, comment interpréter cette information ? Même s'il n'est pas question de remettre en cause le sérieux des enquêtes de Mediapart, on doit tout de même remettre certaines choses en perspectives, comme l'explique au Phocéen l'économiste du sport Vincent Chaudel, de l'Observatoire du Sport-Business : "Il y a les chiffres d'une part, et de l'autre, l'interprétation qu'en fait Mediapart. Il y a chez eux la conviction ancrée que le foot-business est forcément malsain, et tout le reste découle de cette lecture. On parle de faillite pour l'OM, mais lorsqu'on est en faillite, cela veut dire que l'on n'est plus en capacité de payer et qu'on dépose le bilan. Ce n'est pas le cas de l'OM qui affiche un gros déficit, mais dont l'actionnaire est en capacité de combler. C'est l'avantage d'avoir une DNCG dans le foot, contrairement au reste des entreprises. Elle s'assure que les propriétaires des clubs sont en mesure de payer, et c'est le cas de l'OM. Il y a un certain déficit à combler, et le club doit vendre avant le 30 juin pour y remédier. Si ce n'est pas le cas, la DNCG peut alors sanctionner en encadrant la masse salariale ou en interdisant le recrutement, par exemple. Mais, la DNCG a été inventée dans les années 90 pour qu'il n'y ait plus de dépôts de bilan, et c'est une réussite. Elle s'assure que Frank McCourt a la surface financière suffisante pour se montrer garant. Il n'y aura donc pas de dépôt de bilan pour l'OM. Bien sûr, on pourrait imaginer que McCourt n'ait plus envie d'assumer, mais dans ce cas extrême, il vendrait le club à quelqu'un qui serait capable de le faire".

Le scénario catastrophe serait que Mediapro n'assume pas, mais cela concernerait tous les clubs

Ceci dit, il serait idiot d'ignorer le fait que le football français et ses clubs sont en danger, ne serait-ce qu'à cause de l'arrêt des championnats à dix journées de la fin. Les pertes entraînées par le manque à gagner des droits TV sont énormes, d'où le prêt garanti par l'Etat contracté par la LFP. Un emprunt dont la solidité est remise en cause par Mediapart qui exprime des doutes sur la fiabilité du futur diffuseur Mediapro et sa capacité à injecter plus d'un milliard d'euros la saison prochaine. "Ce sur quoi Mediapart a raison, confirme Vincent Chaudel, c'est que le football français risque très gros si Mediapro n'est pas au rendez-vous. Ce serait un scénario apocalypse. Cela voudrait dire qu'il faudrait repartir avec Canal +, BeIN ou RMC, et qu'ils reverraient évidemment les chiffres à la baisse. Cela engendrerait une baisse de compétitivité terrible pour les clubs français et un gap abyssal avec les autres gros championnats européens. Incapables de se renforcer, les clubs français dégringoleraient à l'indice UEFA et notre football aurait beaucoup de mal à s'en relever. C'est le scénario choisi par Mediapart, mais encore une fois, on en est encore loin. Pour moi, le danger vient plutôt de la décision gouvernementale trop hâtive d'arrêter les championnats, alors que les autres vont les terminer. C'est là que l'écart financier va se creuser avec les concurrents européens". En résumé, l'OM est bien en difficulté financière et affiche encore un déficit colossal cette saison, le football français se trouve évidemment affaibli par la crise, mais parler de risque de faillite pour l'OM est hors sujet.