Casoni : "Ce que font toutes les équipes aujourd'hui, on le faisait à l'OM il y a 30 ans"
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 11/11/2021 à 01:00
Qu'est-ce que le beau jeu ? Le Phocéen Mag de ce mois de novembre fait la part belle à cette question, avec notamment un entretien avec Bernard Casoni.
L'apogée de l'OM se trouve là, celle du football français aussi, à l'époque. Cet OM bâti par Bernard Tapie et dirigé par Raymond Goethals a tout dévasté sur son passage. Grâce au talent de ses attaquants de classe mondiale, mais aussi et surtout grâce à une force physique et tactique à laquelle personne n'avait envie de se frotter. L'interlocuteur le plus intéressant pour nous raconter tout ça est certainement l'un des défenseurs centraux de l'époque : Bernard Casoni. Déjà international, il arrive en 1990 et va former avec Carlos Mozer et Basile Boli un axe à trois centraux qui fera école. Et c'est lui qui va imposer à cette défense une culture tactique déjà très affirmée, comme le raconteront souvent ses deux compères des années plus tard. Un défenseur redoutable et déjà entraîneur dans sa tête. Pour Le Phocéen Mag, il détaille cette force qui a fait les plus grands succès de l'OM et des clubs français en coupe d'Europe.
Bernard quels étaient les principes de jeu du grand OM de Raymond Goethals ?
Bernard Casoni : "La base tactique était le 3-4-3 (ou 5-2-3), mais avant tout, c'était la solidité. On était performant dans la récupération et on allait chercher l'adversaire le plus haut possible, à domicile comme à l'extérieur. On imposait notre impact et notre domination, c'était le mot d'ordre de cette équipe, car on avait un groupe qui devait gagner tous les matches, avec des objectifs énormes fixés par les dirigeants. Ce qui est normal au vu de l'effectif qu'on avait."
Il y avait un schéma tactique préférentiel ?
BC : "Oui, et c'est un peu différent de ce que les grosses équipes font aujourd'hui avec la possession. Ca partait de Pascal Olmeta, ou Fabien après, et on jouait les seconds ballons pour s'installer dans le camp adverse. Avec ça et notre pressing, on se projetait très vite vers l'avant, on provoquait et on poussait l'adversaire à la faute. On pouvait faire du jeu long comme du jeu court avec les joueurs qu'on avait. Aujourd'hui, on fait du jeu de positions, on part de derrière, mais ça n'existait pas avant".
En tant que défenseur central, tu avais quand même un rôle technique ?
BC : "Bien sûr. On avait un Basile (Boli) qui était moins doué sur les sorties de balles, donc ce rôle nous revenait à moi et à Carlos (Mozer). Mais, encore une fois, le plan était plus de faire dégager pascal pour s'imposer sur les seconds ballons. On arrivait ainsi plus vite dans le camp adverse. Nous, les trois centraux, on montait chacun notre tour faire le surnombre au milieu, parce que les deux autres étaient capables de faire du un-contre-un".
Une grosse solidité défensive impliquait aussi un repli à cinq parfois, avec les latéraux ?
BC : "Oui, on était en 3-4-3 quand on attaquait, et on passait à 4 ou à 5 en position défensive. Mais la préoccupation de défendre était généralement chez l'adversaire, parce qu'on mettait un impact énorme dans le pressing. Ce n'est pas une légende, on faisait vraiment peur, c'était notre marque de fabrique. C'est comme ça qu'on obtenait notre supériorité numérique devant et qu'on réduisait les opportunités pour les adversaires, comme les penalties, par exemple".
Vous jouiez aussi le hors-jeu, c'était assez nouveau en France...
BC : "C'est aussi devenu un marque de fabrique, et on a commencé à le faire lors de la première confrontation face au Milan en 1991. Au départ, on jouait à quatre derrière, et contre eux, on est passé à trois centraux et deux latéraux. On l'a beaucoup travaillé, et arrivé à Milan, on a joué à plat et ça les a surpris. On n'a plus changé après, on se servait du hors-jeu pour conserver le bloc-équipe, et Carlos faisait très bien ça".
Qu'est-ce qui fait la différence lors de vos deux chefs-d'œuvre face au Milan (91 et 93) ?
BC : "Je pense qu'on a tous mis quelque chose en plus qu'eux. Et puis il ne faut pas négliger le brin de réussite dans le football. Quand on voit qu'ils n'ouvrent pas le score sur leurs deux premières occasions en 93, tu te dis qu'il ne peut plus rien t'arriver, et derrière on marque sur le corner. C'est ça aussi le foot, des trucs que tu sens. On avait quelque chose en plus, dans la force qu'on dégageait, alors qu'eux avaient déjà tout gagné et avaient peut-être un peu moins faim que nous. Ils étaient plus huilés dans le jeu, plus forts techniquement, mais on était un cran au-dessus dans l'engagement.
Sur le plan offensif, qui était votre leader de jeu ?
BC : "On avait tellement de grands joueurs que ce n'était pas vraiment défini. Après, la deuxième année, c'est plutôt Chris (Waddle) qui jouait en dix, mais il y avait aussi Abedi (Pelé). Chris était vraiment un super passeur, surtout à partir de 91 où il jouait de plus en plus comme ça, alors qu'au départ il était ailier. Mais on avait vraiment trois attaquants extraordinaires avec ces deux et Jean-Pierre (Papin)".
Sans compter les latéraux qui montaient beaucoup ?
BC : "Bien sûr. Amoros et Di Meco étaient des latéraux modernes, des pistons comme on dit aujourd'hui. Ils avaient la vitesse et une excellente technique de centre. Eux aussi imposaient une grosse présence physique. C'est cet impact qui faisait la différence et effrayait l'adversaire, en plus de la qualité de nos attaquants. D'ailleurs, ces derniers pressaient énormément, à l'image de Jean-Pierre qui faisait très mal".
En fait, Goethals n'avait pas de religion particulière, il faisait avec les talents qu'il avait ?
BC : "Oui, parce qu'on était déjà assez pointus tactiquement. Moi, j'avais tout appris à Toulon avec Rolland Courbis, comme Bernard Pardo. Je pense que nous avons tous les deux apporté notre pierre au jeu de l'OM de cette époque. Ce qu'on mettait en place à Toulon, on l'a fait aussi à l'OM dès notre arrivée. On jouait déjà à trois à plat et en zone, on était des précurseurs, et on a importé ça à Marseille".
Comment résumer cette philosophie en quelques mots ?
BC : "C'est simple : c'est défendre en avançant. Ca parait idiot, mais ça change tout. D'ailleurs, c'est ce que font toutes les équipes aujourd'hui, mais nous, on le faisait il y a trente ans. C'est un état d'esprit. On doit gicler sur dix mètres en avant, et c'est beaucoup moins fatiguant que de faire des courses de trente mètres pour rattraper un mec qui s'échappe. Quand tu recules, tu subis".
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