Bordeaux-OM : quand les Marseillais gagnaient sur tapis vert... Avant de rejouer le match !

En 1943, on est dans l'occupation et rien n'est drôle pour la population. A Marseille, on suit l'aventure olympienne pour rêver à autre chose qu'aux tickets de rationnement. Après avoir battu Perpignan en demi, les Marseillais jouent le 10 Mai au Parc la finale contre Bordeaux. Mais rien ne sera facile. Au centre de la défense girondine, l'anguleux Francisco Matéo, rescapé quelques mois plus tôt d'un grave accident de la route, a réussi à contenir le fougueux Aznar et ses jeunes coéquipiers Dard, Scotti, Robin et Pironti. Pironti et Robin ont marqué mais Patrone, contre son camp, permet aux Girondins de réduire le score avant que Persillon égalise. La Finale est à rejouer. Mais, un peu plus tard, on apprend que l'OM a porté réclamation et c'est alors qu'éclate l'affaire "Nemeur".

Ce joueur nord-africain, qui a opéré au Havre avant-guerre, a été affecté à Bordeaux par la fédération elle-même en début de saison lors de la promulgation des décrets Pascot. Mais il paraît que sa licence a été enregistrée hors des délais fixés par le règlement de la coupe, dont Nemeur a pourtant joué tous les matchs ! Stupeur des dirigeants bordelais... Ils ont beau arguer de leur bonne foi, leur équipe est disqualifiée, Marseille est déclaré vainqueur. Mais le Colonel Pascot décide de lui même qu'on ne peut gagner une finale sur le tapis vert et oblige les deux équipes à rejouer !

Il est bon, il est heureux, il est juste que la finale Bordeaux-Marseille ait été gagnée par les Provençaux sur le terrain de jeu, heureusement pour la logique sportive. Et l'OM ne fait pas de détail et l'emporte 4 à 0. Avec dans ce match l'évidence de la supériorité phocéenne et la netteté de sa victoire.
Les Marseillais renouvellent dans l'ensemble, ce samedi, leur match du 9 mai.... Actions incisives, perçantes, efficaces : dribbles, passes, déplacements de jeu, tirs sont exécutés à vive cadence et avec une force collective. Malgré le vent, le ballon est plus facile à contrôler parce que le terrain a cette fois été arrosé et la pelouse excellemment assouplie. Devant l'allant des Marseillais, les Bordelais sont paralysés.

Comme leur capitaine Gérard, immobilisé sur sa ligne de but, ils semblent incapables de se déplacer et leur marquage, d'ordinaire compensé par la mobilité de course et leur vitalité de jeu tombe à zéro. Lorsque Aznar déclenche à la 32e minute, après une passe courte et simple de Pironti, un tir terrible dans les filets girondins, il n'a, autour de lui, aucun opposant dans un rayon de cinq ou six mètres. En deuxième mi-temps, Dard, Aznar encore lui et Pironti marqueront pour offrir la Coupe aux Phocéens. Roger Scotti gagnera le trophée alors qu'il n'a pas encore dix-huit ans (il les fêtera en juillet). Ce sera la sixième coupe de France marseillaise, après 1924, 1926, 1927, 1935 et 1938. Et le peuple marseillais pourra prendre un peu de plaisir, en oubliant les misères de l'occupation.

Premier Match 9 Mai 1943 Stade de Colombes : OM Bordeaux 2 à 2 ( 1 - 0 , 2 - 2 )
Arbitre Mr Sdez, 32500 spectateurs
Buts : Pironti (4e), Robin (55e), Patrone csc (56e), Persillon (82e).
OM : Delachet - Patrone, Gonzales, Veneziano - Bastien, Olej - Dard, Scotti, Aznar, Robin, Pironti.
Bordeaux : Gérard - Homar, Normand - Ben Ali, Mao, Ben Arab - Rolland, Nemeur, Urtizbera, Persillon, Arnaudeau.

Deuxième match 22 Mai 1943 Stade de Colombes : OM Bordeaux 4 à 0 ( 1 - 0 )
Arbitre Mr Sdez, 32500 spectateurs
Buts : Aznar (32e et 62e), Dard (56e), Pironti (78e).
OM : Delachet - Patrone, Gonzales, Veneziano - Bastien, Olej - Dard, Scotti, Aznar, Robin, Pironti.
Bordeaux : Gérard - Homar, Normand - Ben Ali, Mao, Ben Arab - Rolland, Pruvot, Urtizbera, Persillon, Arnaudeau.