Kamara, opportunité ou pas encore prêt ?

Boubacar Kamara doit se faire une raison, il ne sera jamais tranquille. L'an dernier, à peine avait-il montré le bout de son nez avec l'équipe première que la polémique liée à la signature de son premier contrat professionnel prenait place. Une place tellement grande qu'en fin de saison, alors que le jeune défenseur était toujours dragué par Manchester City, Rudi Garcia s'était publiquement agacé de la situation pour expliquer son retour en réserve. Heureux dénouement au mois de juin, il signe finalement pour trois saisons dans son club formateur. A 17 ans, "Bouba" va pouvoir souffler. Fini la traque par les supporters de l'OM bienveillants sur les réseaux sociaux, fini les recruteurs venus l'observer de toute l'Europe en tribunes, il va enfin grandir tranquillement. Evidemment non, c'est trop simple. 

Il y a d'abord Rudi Garcia à l'intersaison qui le fait monter d'un cran, au milieu de terrain. Une fantaisie qui fait vite sens en préparation tant les qualités athlétiques du défenseur central de formation sont au-dessus de la moyenne. Positionné pour le premier match du deuxième stage aux côtés de la recrue Luiz Gustavo, il impressionne. Si on ne le trouve pas aux quatre coins du terrain pour essayer de gratter un ballon, quand un joueur adverse a le malheur de se présenter dans sa zone, l'action s'arrête là. Mais alors que l'entraîneur de l'OM semble tenir quelque chose, il repasse sur son 4-3-3 avec Maxime Lopez et Morgan Sanson à la récupération. Kamara est à la cave ou presque : sur les huit matchs officiels que les Phocéens ont disputés, il n'a été pris qu'une seule fois dans le groupe, pour rester l'intégralité de la rencontre sur le banc. Il a également participé à un match avec la réserve, avec toujours cette consigne d'évoluer à son nouveau poste, devant la défense. Lors de ses comptes du mercato, Jacques-Henri Eyraud l'a quand même compté dans les recrues. Mais ce qui peut être interprété comme de la communication pour le "OM Next Generation Project", les partenariats avec les clubs de la région voyant de plus en plus de jeunes dans l'effectif des pros, va peut-être bien devenir un coup salvateur. Dans la dernière ligne droite, l'OM n'a pas recruté de milieu de terrain supplémentaire. Pourtant, l'association Maxime Lopez - Morgan Sanson paraît parfois trop légère, ce qui avait déjà été constaté la saison dernière, Grégory Sertic n'arrive pas à occuper correctement le poste de sentinelle alors que André Frank Zambo Anguissa s'est peut-être laissé griser par sa coupe des confédérations avec le Cameroun, à moins que ce ne soit les attentes placées en lui qui ont été trop grandes. Comme si ça ne suffisait pas, Luiz Gustavo, la recrue brésilienne qui semble parfois bien seule à la récupération, sera suspendu pour le prochain match de championnat contre Rennes. Ce qui explique pourquoi tant de supporters avaient du mal à se remettre de la non-venue de William Vainqueur le dernier jour du mercato, alors qu'il semblait bien abordable. "Il y avait un certain nombre de conditions, une analyse aussi des besoins de l'équipe qui fait que cela ne s'est pas réalisé" a expliqué sobrement JHE le lendemain, comme vous pouvez le voir dans la vidéo. Il aurait pu agiter la carte "produit local", arguant que le staff préférait donner sa chance à un membre du centre de formation, ce qui aurait cloué le bec à une grande partie des frustrés. Mais il ne s'y est pas aventuré pour une raison précise. 

Car Boubacar Kamara n'est pas forcément en position pour recevoir des louanges. S'il est souvent hors du groupe des 18, comme pour le dernier match à Monaco alors que son entraîneur avait collectionné les défenseurs dans son onze, ce n'est pas parce que Garcia est du genre frileux avec les jeunes. Il l'a de toute façon prouvé la saison dernière avec Maxime Lopez. C'est plus que l'attitude du prodige agace un technicien qui ne veut rien lâcher avec un tel potentiel. Son rendement à l'entraînement étant très loin des attentes, Garcia ne veut pas céder et entend montrer à Kamara qu'il n'y a pas de place pour le relâchement. Une attitude noble, même si la tentation de s'asseoir sur ses principes pour se servir de ses qualités existe forcément. C'est un peu ce qu'il s'est passé pour la signature de son fameux contrat. La nouvelle équipe dirigeante, qui a mis un point d'honneur à démontrer que certaines méthodes n'avaient plus leur place à Marseille, a tout de même joué des coudes et de roublardise pour le conserver, comme si la fin justifiait les moyens avec un jeune homme qui peut vite se transformer en énorme valeur marchande. Il n'est d'ailleurs pas impossible que l'adolescent n'ait pas totalement digéré les rebondissements de son mercato, avec son lot de masques qui tombent, dans son entourage comme au club. Une posture qui peut se comprendre mais qui place Kamara à la croisée des chemins : soit il choisit d'être jugé comme un bon petit jeune et il a bien encore quelques semaines pour digérer ce nouveau statut. Soit il part du principe qu'il est programmé pour être un grand champion et qu'il n'a pas de temps à perdre. Dans ce cas, alors qu'il est actuellement en équipe de France des moins de 20 ans avec Bernard Diomède et qu'il s'est imposé 2-0 au Maroc, il doit tout faire pour convaincre son entraîneur à son retour jeudi qu'il doit avoir sa chance dimanche prochain contre Rennes. Tant qu'à ne pas être tranquille, autant forcer le destin...