"Oui, des Iraniens peuvent acheter l'OM demain"
Par la rédaction du Phocéen
Publié le 12/06/2016 à 07:00
Depuis quelques jours, la piste menant à un possible rachat de l'OM par des investisseurs iraniens engendre bien des fantasmes. L'Iran fait partie des pays les plus méconnus aujourd'hui dans la culture occidentale. Pour en savoir plus sur la faisabilité d'une telle hypothèse de rachat du club, nous avons contacté Alain Cabras, analyste et consultant en intelligence interculturelle, spécialiste de la Méditerranée, auteur de Méditerranée : Les Rives de l'Espoir. Plongée dans le monde géopolitique.
Alain Cabras, Dans le contexte actuel, un rachat de l'OM par des investisseurs iranien vous paraît-il crédible ?
Alain Cabras : "Il y a un gros malentendu sur l'Iran. On pense que les sanctions ont été levées. C'est vrai du point de vue des Européens, mais c'est faux du point de vue des Américains. Ca veut dire qu'aujourd'hui, les Iraniens ont encore énormément de difficultés à se vendre à l'extérieur et à acheter. Donc, je suis assez surpris que ce soient des Iraniens, cent pour cent pur jus, qui disent vouloir acheter l'OM. Il y a énormément de contraintes qui pèsent encore sur l'Iran aujourd'hui. Alors à moins que ce soit un fonds d'investissement pétrolier et qu'ils aient eu des garanties qu'ils puissent utiliser leur argent comme ils le veulent à l'étranger. Je suis un peu étonné parce qu'aujourd'hui les sanctions ne sont pas véritablement levées. Ca veut dire qu'ils ne peuvent pas bénéficier de leur argent autant qu'ils le voudraient. Mais je peux me tromper, peut être qu'ils ont un consortium, une alliance avec des Suisses ou des Européens... Je suis assez surpris. Maintenant, en terme d'image et de politique, est-ce que des Iraniens peuvent acheter l'OM demain ? Oui, ils sont devenus à nouveau fréquentables sur le papier. Les Européens se sont rapprochés des Iraniens. Le patronat français espère énormément de retombées de l'ouverture en Iran. Je ne vois pas de problème."
L'Iran a-t-il déjà investi ces derniers temps en France ? Vous avez des exemples ?
A.C. : "Non je n'en ai pas. L'Iran avait eu une tentation d'investir dans l'immobilier qui avait été freinée par les sanctions. Avant les ruptures diplomatiques, l'Iran avait énormément investi dans l'immobilier en France et en Europe. Ce qu'ils ont acquis avant, je ne sais pas s'ils l'ont encore."
Du point de vue iranien, un rachat d'un club comme l'OM avec tout ce que cela génère en France, serait-il une façon parfaite d'entrer dans l'économie française ?
A.C. : "Absolument. Ca serait une porte d'entrée économique majeure. On voit bien à quel point le PSG a redoré l'image du Qatar en France. Surtout, ça rendrait les Iraniens fréquentables et mieux que ça, ça les rendrait banals. Les Iraniens veulent devenir des gens, une économie, un pays, totalement banals. Ils ne veulent plus d'exception iranienne. Et du fait de cette totale banalité, pouvoir investir partout. Les Français auraient beau jeu d'aller critiquer alors que ce sont nos alliés objectifs en Syrie et en Irak. On est alliés, n'en déplaise à la caste politique française qui le dit du bout des lèvres. Donc oui, belle entrée économique, banalité politique qui verrait les Iraniens investir comme les autres et ça crée des alliances, ça rapproche."
Il se dit que l'état ne serait pas directement impliqué dans ce rachat. Y a-t-il beaucoup d'hommes très fortunés en Iran ?
A.C. : "Bien sûr, il y a de grandes fortunes en Iran. C'est un très vieux et un très grand pays avec une culture et une civilisation millénaire. L'Iran est entre le Proche Moyen Orient et tout le Penjab. Coincé donc entre d'un côté les sources pétrolières, ils ont énormément de pétrole, ils sont très riches avec de grandes fortunes en Iran. Et de l'autre côté, ce sont eux qui investissent au Pakistan, en Afghanistan, même au Nord où il y a la Russie. C'est une plaque tournante de richesse incroyable : le pétrole, l'agroalimentaire, l'or, le diamant, le platinium ! Donc c'est un pays où il y a d'immenses richesses."
Et concernant la non-implication de l'état iranien ?
A.C. : "Sans impliquer l'état officiellement, c'est sûr que les Iraniens pourront le faire. Maintenant, il ne faut pas être naïfs. Si les millionnaires iraniens peuvent investir à l'OM, c'est sous la bienveillance de l'état. De toute façon, la politique de l'état iranien est très simple depuis un an : on ouvre toutes les portes et on va partout. Au nom de quoi ils interdiraient à ces personnes riches d'investir dans un club sportif français ? Non, l'état a tout intérêt au contraire, que ça se fasse."