"Ce que je vais vous dire sur Eyraud va vous surprendre..."

Dans la grande tradition des rivalités footballistiques, Jean-Michel Aulas et Jacques-Henri Eyraud nous ont offert en fin de semaine dernière l'une des plus grosses batailles médiatiques de la saison autour des sanctions prononcées par la commission de discipline de la LFP suite aux incidents d'OM-Lyon. Pas vraiment étonnant de la part d'un président lyonnais spécialisé dans la provocation et la mauvaise fois, mais un peu plus de la part d'un Jacques-Henri Eyraud que l'on connaissait jusque-là plus discret. Si le refus du dernier de se laisser manger par le premier en a surpris plus d'un, ce n'est pas le cas de celui qui connait le mieux les deux hommes. En effet, le journaliste Patrick Chêne a pratiqué Aulas durant trente ans, et il est surtout un ami du président olympien, avec qui il a été associé pendant neuf ans à la tête du groupe Sporever. Interview :

Que pensez-vous de cette joute médiatique entre ces deux personnages que vous connaissez bien ?

Patrick Chêne : "Déjà, je ne veux pas dire qui a raison ou qui a tort. En France, il y a le PSG qui est hors sol avec ses moyens financiers, et puis il y a des clubs qui se tirent la bourre comme l'OM et Lyon qui devraient être, selon moi, dans la même philosophie plutôt que d'essayer d'affaiblir l'autre en dehors du terrain. C'est dommage, car ils ont une carte à jouer ensemble pour un football un peu différent, par rapport à un club financé par un état".

Bien sûr, mais vous savez que les enjeux financiers d'une qualification pour la Champions League sont énormes pour les deux clubs ?

PC : "Évidemment, mais cela doit se passer sur le terrain. Ils doivent se qualifier tous les deux pour la Champions League. On ne peut pas sortir du rationnel pour de simples enjeux financiers. Il y a une opposition culturelle, sociale, sportive et c'est déjà très bien comme ça. Je ne demande pas à Lyon d'être Marseille et inversement. L'engouement des Marseillais pour l'OM est unique, ça fait partie de la ville, plus qu'à Lyon qui a d'autres atouts. Il faut qu'ils gardent ces différences, c'est ce qui fait la beauté du foot. Comme Naples et la Juve, ou le Barça et le Real. Mais l'OM et Lyon ne doivent pas se pénaliser l'un et l'autre pour des histoires comme ça".

Vous appelez donc les deux présidents à plus de retenue ?

PC : "Il se trouve que je connais parfaitement les deux, et particulièrement Jacques-Henri depuis 18 ans, avec une vraie intimité dans la vie et le travail. Ce que je vais vous dire sur lui va peut-être vous surprendre, mais ce sont les mêmes. Ils sont tous les deux capables de beaucoup de choses pour défendre leurs convictions et ils méritent le respect. Ils sont courageux et ils acceptent de ne pas être aimés par tout le monde".

Jacques-Henri Eyraud était plutôt discret jusque-là. Il vous a surpris ?

PC : "Dans le contexte, non. Diriger une boîte et diriger l'OM, ce n'est pas pareil. Mais ils sont tous les deux maîtres de leurs actions. Si vous voulez une image, je leur confierais sans problème la responsabilité du bouton atomique, car je sais qu'ils ne feraient pas n'importe quoi (rires). Ils sont très rationnels et ils ne réagissent pas par hasard. Finalement, ils se ressemblent vachement. S'ils se parlent aujourd'hui pendant une heure, ils se parleront normalement, ils ne monteront pas dans les tours. Pour conclure, si l'OM gagne la coupe d'Europe à Lyon, ça doit être une fête. Sinon, le football français aurait l'air con".